Urteilsdetails des Bundesstrafgerichts
Instanz: | Bundesstrafgericht |
Abteilung: | Strafkammer |
Fallnummer: | BB.2023.19, BB.2023.20 |
Datum: | 06.04.2023 |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter | Apos;; Apos;a; Apos;un; évenu; évenue; Apos;art; Apos;il; été; Apos;Etat; Apos;une; être; Apos;au; énal; ésent; édé; Apos;est; Apos;elle; Apos;en; éral; Apos;accusation; énale; Apos;A; Apos;acte; édéral; éclaré; ément; LAQEI; éléphone; énales; ésentation |
Rechtskraft: | Weiterzug |
Kommentar: | Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017 |
Entscheid des Bundesstrafgerichts
SK..2022.57
Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal | |
Numéro du dossier: SK.2022.57 |
Jugement du 6 avril 2023 Cour des affaires pénales | ||
Composition | Le juge pénal fédéral David Bouverat, juge unique, la greffière Agathe Jacquier | |
Parties | Ministère public de la Confédération, représenté par Kaspar Bünger, Procureur fédéral, | |
contre | ||
A., défendue d'office par Maître Nicole Schmutz Larequi
| ||
Objet | Violation de l'art. 2 de la Loi fédérale interdisant les groupes "Al Qaïda" et "Etat islamique" et les organisations apparentées et représentation de la violence (art. 135 CP) |
Conclusions du Ministère public de la Confédération:
Le Ministère public de la Confédération conclut à ce que le Tribunal pénal fédéral:
1. Reconnaisse A. coupable des infractions suivantes:
a. violation de l'art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées;
b. fabrication répétée de représentation de la violence (art. 135 al. 1 CP);
c. possession de représentation de la violence (art. 135 al. 1bis CP).
2. Condamne A.:
a. à une peine privative de liberté de 9 mois, assortie d'un sursis d'une durée à dire de justice;
b. au paiement des frais de procédure à hauteur de CHF 3'000.-;
3. Ordonne l'expulsion d'A. du territoire suisse, au sens de l'art. 66a CP, pour une durée de 10 ans, avec inscription dans le système SIS;
4. Déclare les autorités du canton de Fribourg compétentes pour l'exécution du jugement;
5. Taxe les honoraires de la défenseur d'office;
6. Dise qu'A. est tenue de rembourser ce montant, aux conditions de l'art. 135 al. 4 CPP.
Conclusions de la défense:
A. conclut à ce qu'il plaise au juge unique de dire et prononcer:
1. A. est acquittée de la prévention de violation de l'art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées (RS 122);
2. A. est acquittée de la prévention de violation de l'art. 74 al. 4 de la LF sur le Renseignement;
3. A. est reconnue coupable de violation de l'art. 135 al. 1bis CP pour avoir téléchargé sur son téléphone portable des vidéos représentant des actes de cruauté envers des êtres humains;
4. A. est condamnée à une peine d'amende de Fr. 500.-.
Subsidiairement:
A. est condamnée à une peine privative de liberté de 30 jours, munie du sursis soumis à un délai d'épreuve de deux ans.
5. Il est renoncé à toute mesure d'expulsion au sens de l'art. 66abis CP.
6. Les frais judiciaires sont mis à raison d'un dixième à la charge de la prévenue.
7. Le solde des frais judiciaires, y compris les frais de défense d'office de la prévenue, sont mis à la charge de l'Etat.
Faits:
A. Procédure
A.1. Par ordonnance du 15 février 2021, le Ministère public de la Confédération (ci-après: le MPC) a ouvert une instruction pénale, sous référence SV.21.0079-NOT, contre A., pour soupçons de représentation de la violence (art. 135 CP) et de violation de l'art. 2 de la loi interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées (RS 122; ci-après: LAQEI; 01-00-0001 s.).
A.2. Le 10 août 2021, Maître Nicole Schmutz Larequi a été désignée défenseur d'office d'A., avec effet au 9 juin 2021 (16-01-0046 ss).
A.3. Par ordonnance du 3 août 2022, le MPC a joint l'instruction et le jugement de l'infraction de représentation de la violence à la procédure fédérale diligentée à l'encontre d'A. pour violation de l'art. 2 LAQEI (01-00-0005 s.).
A.4. Le 27 octobre 2022, le MPC a rendu un avis de prochaine clôture (03-00-0001 s.).
A.5. Par acte d'accusation du 20 décembre 2022, le MPC a renvoyé A. en jugement devant la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour des affaires pénales) pour violation de l'art. 2 LAQEI et représentation de la violence (art. 135 CP; 3.100.001).
A.6. Le 20 janvier 2023, la Cour a cité les parties aux débats, qui ont été fixés le 23 mars 2023 (TPF 3.320.001 s. et 3.331.001 ss).
A.7. Le 23 janvier 2023, les parties ont été invitées à présenter leurs offres de preuve (TPF 3.400.001 s.). Le 8 mars 2023, la Cour a rendu son ordonnance sur les moyens de preuve en indiquant celles qui seraient administrées (TPF 3.250.001 s.).
A.8. Le 1er février 2023, les parties ont été informées du nom de l'interprète mandatée par la Cour pour les débats (TPF 3.400.003). Aucune partie n'a fait valoir d'observations dans le délai imparti.
A.9. Les débats ont été ouverts le jeudi 23 mars 2023. Ont comparu le MPC, représenté par le procureur fédéral Kaspar Bünger et la procureure fédérale assistante Marie-Charlotte Rolli, ainsi que la prévenue A. assistée de Maître Nicole Schmutz Larequi (TPF 3.720.001 ss).
A.10. Le juge unique a donné l'occasion aux parties de soulever des questions préjudicielles, en particulier en ce qui concerne la validité de l'accusation, les conditions à l'ouverture de l'action publique, les empêchements de procéder, le dossier et les offres de preuve recueillies. Maître Nicole Schmutz Larequi a précisé les questions précédemment transmises à la Cour par correspondance du 16 mars 2023 (TPF 3.720.004 ss et 3.521.004 s.; cf. consid. 2 infra).
A.11. Le juge unique a ensuite engagé la procédure probatoire et rappelé les offres de preuve recueillies avant les débats, à savoir l'extrait du casier judiciaire suisse de la prévenue daté du 1er mars 2023, des informations policières kosovares tenant lieu d'extrait de casier judiciaire du Kosovo datées du 27 février 2023, les procès-verbaux des auditions de B. dans les procédures SV.21.0514-BK et SV.20.1121-BK, les procès-verbaux des auditions de C. dans la procédure SV.20.1121-BK, le rapport de la police judiciaire fédérale (ci-après: la PJF) quant au téléphone portable de B. (ID-PAC 16045) dans la procédure SV.201121-BK, le dossier du Service de la population et des migrants de Fribourg relatif à l'autorisation de séjour en Suisse de la prévenue, un document du Service de la population et des migrants du canton de Fribourg attestant de la nationalité et du statut de l'autorisation d'établissement de C. (époux de la prévenue), D., E. et F. (enfants de la prévenue) et le dossier des Services sociaux N. relatif à l'aide sociale perçue par la prévenue. Lors de la procédure probatoire, le juge unique a entendu A. en qualité de prévenue (TPF 3.720.007 et 3.731.001 ss).
A.12. Les parties ont ensuite été invitées à plaider. Le MPC a prononcé son réquisitoire et ses conclusions (cf. p. 2 supra; TPF 3.721.026 ss et 3.721.040 s.). Maître Nicole Schmutz Larequi a plaidé pour la prévenue A. et a formulé ses conclusions (cf. p. 2 s. supra; TPF 3.721.004 ss et 3.721.024 s.). L'occasion de s'exprimer une dernière fois a été donnée à la prévenue, qui y a renoncé (TPF 3.720.008).
A.13. Aux termes des débats, la Cour s'est retirée pour délibérer à huis clos. Les parties ayant renoncé à une communication orale du jugement, le dispositif du jugement leur a été adressé par voie postale le 6 avril 2023 (TPF 3.930.001 ss).
A.14. Par correspondance du 11 avril 2023, le MPC a annoncé faire appel de cette décision (TPF 3.940.001 s.).
B. Situation personnelle de la prévenue
B.1. A. est ressortissante kosovare, titulaire d'une autorisation de séjour en Suisse (permis B), dont la prolongation est actuellement suspendue (TPF 3.262.2.004 ss).
B.2. La prévenue est née à V. A une date indéterminée, lorsqu'elle était «encore très jeune», elle s'est déplacée en Suisse avec sa famille, qui s'est domiciliée dans le canton de Fribourg. En 1999, A. et sa famille sont retournées vivre au Kosovo (13-01-0005 s.).
B.3. A. a rencontré C. en décembre 2014, mois durant lequel les prénommés se sont mariés au Kosovo, selon la tradition musulmane. Le mariage civil s'est déroulé en 2015 (13-01-0007; TPF 3.731.002). A. a ensuite rejoint son mari en Suisse, lequel bénéficie d'une autorisation d'établissement (permis C;13-01-0051; TPF 3.731.002).
B.4. Le couple A. et C. a trois enfants, D., E. et F. (13-01-0007; TPF 3.731.002). Les deux enfants plus âgés, D. et E., sont scolarisés en 1H à N. (TPF 3.731.003).
B.5. Au Kosovo, A. a terminé l'école obligatoire ainsi que le gymnase, puis a commencé une formation universitaire en éducation, qu'elle n'a pas achevée pour des raisons financières. Elle a ensuite débuté des études à la faculté islamique, également interrompues pour des raisons financières (13-01-00521 s.; TPF 3.731.003).
B.6. Au Kosovo, la prévenue a travaillé dans un magasin d'alimentation, comme travail saisonnier durant l'été. Depuis son arrivée en Suisse, elle n'a exercé aucun emploi (13-01-0051 s., -0099; TPF 3.731.003 et 012) et n'a pas de revenu propre (TPF 3.731.006). A. a déclaré que ses journées étaient principalement consacrées aux tâches ménagères et à s'occuper de ses enfants, ainsi qu'à l'apprentissage de la religion et de l'arabe (13-01-0100).
B.7. L'époux de la prévenue, C., travaille comme électricien, sans être au bénéfice d'un contrat fixe, et suit également une formation en lien avec cette profession (13-01-0101). La famille vit du revenu de l'époux et a bénéficié de l'aide sociale durant la période de détention de C., dans le cadre d'une procédure pénale ouverte contre lui par le MPC (13-01-0100; TPF 3.262.1.002). Devant le MPC, la prévenue a estimé que C. percevait un revenu mensuel d'environ CHF 4'000.- et que les différentes charges du ménage, loyer et assurances inclus, oscillaient entre CHF 2'000.- et CHF 3'000.- (13-01-0008). Interrogée par la Cour de céans, A. a été incapable de chiffrer le salaire de son mari, même approximativement, ou les charges de la famille, indiquant seulement bénéficier de subsides pour l'assurance-maladie mais non pour le loyer (TPF 3.731.006 s.). Quant à la dette de la famille envers les Services sociaux N., elle s'élèverait à environ CHF 3'000.- (TPF 3.731.007; TPF 3.262.1.002).
B.8. Le père d'A. ainsi que l'une de ses sœurs se trouvent au Kosovo; son frère et son autre sœur sont domiciliés en Allemagne. La prévenue entretient des contacts réguliers avec eux (TPF 3.731.008 s.). Elle maintient également des contacts, moins réguliers, avec des amies et une belle-sœur qui se trouvent au Kosovo (TPF 3.731.009).
B.9. La famille de C. se trouve en Suisse, de même qu'une tante maternelle de la prévenue (13-01-0050). A. a déclaré porter assistance à ses beaux-parents (TPF 3.731.011).
B.10. En dehors de son mari et de ses enfants, en Suisse, la prévenue entretient principalement des contacts avec B. et G. (13-01-0100). A cet égard, elle a déclaré: «vu que mes connaissances linguistiques sont très faibles, j'ai eu de la peine à entamer des relations avec des gens» (13-01-0054). Elle a par ailleurs déclaré qu'elle ne recherchait pas le contact avec les parents des camarades de classe de ses enfants (TPF 3.731.004). Elle se sent tout même intégrée dans la région de N. et Fribourg (TPF 3.731.008).
B.11. Depuis son établissement en Suisse, la prévenue se rend occasionnellement au Kosovo, soit approximativement une fois par année, et séjourne alors dans sa famille. Elle effectue le voyage avec ses enfants, mais son mari reste en Suisse (13-01-0006, -0099; TPF 3.731.009).
B.12. A. indique ne sortir que peu de chez elle, et que les sorties se déroulent généralement avec son mari et ses enfants. Elle demande systématiquement l'autorisation de son mari avant de sortir (TPF 3.731.004).
B.13. La langue maternelle de la prévenue est l'albanais. Celle-ci suit en ligne une formation en arabe, langue qu'elle comprend et parle un peu, et qui lui sert principalement à lire le coran (13-01-0094; TPF 3.731.003 et 006). Elle indique également parler un peu le français, l'anglais et l'allemand, précisant avoir un niveau équivalent en français et en arabe (TPF 3.731.005). En 2021, elle a suivi des cours de français à l'Ecole Club Migros, mais y a ensuite renoncé en raison de l'obligation de présenter des tests pour le coronavirus. Elle n'a pas repris ces cours au motif que «l'occasion ne s'est pas présentée» (13-01-0099; TPF 3.731.003 s.). Au test de français effectué en octobre 2020 en vue du renouvellement de son autorisation de séjour en Suisse, la prévenue a obtenu la note de 0.5 sur 5 (TPF 3.262.021); elle estime avoir fait des progrès depuis lors (TPF 3.731.005).
B.14. Tant devant le MPC que devant la Cour des affaires pénales, la prévenue a refusé de s'exprimer sur son état de santé (13-01-0099; TPF 3.731.011). Elle a plusieurs fois, au cours de ses auditions, indiqué souffrir de troubles de la mémoire (13-01-0012, -0056), pour lesquels elle a déclaré se soigner grâce à un médicament qu'elle fabrique elle-même (TPF 3.731.011).
Le juge unique considère en droit:
1. Compétence de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral
1.1 Compétence
1.1.1 Le tribunal examine d'office sa compétence (art. 39 CPP). En l'espèce, les charges retenues sont celles d'infractions à l'art. 2 LAQEI et de représentation de la violence selon l'art. 135 CP.
1.1.2 Selon l'art. 2 al. 3 LAQEI, la poursuite et le jugement des actes cités aux al. 1 et 2 de cet article sont soumis à la juridiction fédérale. A teneur de l'art. 35 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (RS 173.71; LOAP), les cours des affaires pénales statuent en première instance sur les affaires pénales relevant de la juridiction fédérale, sauf si le MPC en a délégué le jugement aux autorités cantonales.
1.1.3 L'art. 36 al. 2 1ère phrase LOAP dispose que le président de la cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral statue en qualité de juge unique dans les cas visés à l'art. 19 al. 2 CPP, soit en matière de crimes et délits, à l'exception de ceux pour lesquels le ministère public requiert une peine privative de liberté supérieure à deux ans, un internement au sens de l'art. 64 CP, un traitement au sens de l'art. 59 al. 3 CP ou une privation de liberté de plus de deux ans lors de la révocation d'un sursis. Le président peut confier cette tâche à un autre juge (art. 36 al. 2 2e phrase LOAP).
1.1.4 Au vu de ce qui précède, la juridiction fédérale résulte directement de l'art. 2 al. 3 LAQEI pour les infractions à l'art. 2 de cette loi et, de l'ordonnance de jonction à la procédure fédérale du 3 août 2022 pour l'infraction à l'art. 135 CP. La compétence de la Cour des affaires pénales est ainsi donnée pour juger les faits contenus dans l'acte d'accusation du 20 décembre 2022. Le MPC ayant requis une peine privative de liberté inférieure à deux ans, la Cour statue à juge unique.
2. Questions préjudicielles et incidentes
2.1 Aux termes de l'art. 399 CPP, les parties peuvent soulever au début des débats des questions préjudicielles concernant notamment la validité de l'acte d'accusation, les conditions à l'ouverture de l'action publique, les empêchements de procéder, le dossier et les preuves recueillies, la publicité des débats et la scission des débats en deux parties (al. 2 let. a à f). Après avoir entendu les parties présentes, le tribunal statue immédiatement sur les questions préjudicielles (al. 3). Si les parties soulèvent des questions incidentes durant les débats, le tribunal les traite comme des questions préjudicielles (al. 4).
2.2 En l'espèce, la défense a soulevé deux questions préjudicielles aux débats, anticipées par courrier du 16 mars 2023 (TPF 3.720.004 ss et 3.521.004 s.).
2.3 Renvoi de l'acte d'accusation
2.3.1 Par une première question préjudicielle, Maître Nicole Schmutz Larequi a requis le renvoi de l'acte d'accusation au MPC. A l'appui de ce moyen, elle a soutenu qu'A. était renvoyée en jugement en application de l'art. 2 LAQEI, alors même que cette disposition n'avait été applicable que tant et aussi longtemps que le Conseil fédéral n'avait pas adopté une liste des organisations interdites au sens de l'art. 74 al. 1 de la loi sur le renseignement (RS 121; ci-après: LRens). Or, une telle liste avait été établie par la décision de portée générale du Conseil fédéral concernant l'interdiction des groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et des organisations apparentées du 19 octobre 2022 et entrée en vigueur le 1er décembre 2022 (FF 2022 2548; ci-après: la décision de portée générale du 19 octobre 2022). Ainsi, la prévenue était, à teneur de l'acte d'accusation du 20 décembre 2022, renvoyée en accusation sur la base de dispositions qui ne sont plus applicables, étant précisé que l'acte d'accusation ne faisait aucunement mention de la base légale nouvellement entrée en vigueur. Une éventuelle condamnation de la prévenue se fondant sur un acte d'accusation entaché de tels manquements ne se concevait pas (TPF 3.521.004 s. et TPF 3.720.004 ss).
2.3.2 Appelé à se déterminer lors des débats, le MPC a indiqué que, au moment des faits reprochés à la prévenue, l'art. 2 LAQEI était en vigueur, alors que l'art. 74 al. 4 LRens, entré en vigueur le 1er juillet 2021, ne pouvait être mis en application que depuis l'entrée en vigueur, le 1er décembre 2022, de la décision de portée générale du 19 octobre 2022. Le principe de non-rétroactivité des normes pénales empêchait ainsi son application au cas d'espèce. De plus, la question de la lex mitior ne se posait pas, dès lors que les deux dispositions prévoyaient la même peine. Finalement, la Cour n'étant pas tenue par l'appréciation juridique du MPC et étant libre d'examiner les faits également à la lumière de l'art. 74 LRens, puisque tous les éléments factuels nécessaires figuraient dans l'acte d'accusation, un renvoi de l'acte d'accusation ne se justifiait pas (TPF 3.720.004 s.).
2.3.3 La Cour de céans a constaté que le dernier fait reproché à la prévenue dans l'acte d'accusation du 20 décembre 2022 était antérieur au 19 octobre 2022, date de la publication par le Conseil fédéral de la liste des organisations et groupements interdits au sens de l'art. 74 al. 1 LRens à laquelle la défense se référait. L'acte d'accusation désignait dès lors correctement le droit applicable au moment où se sont déroulés les faits objet de l'acte d'accusation, soit la LAQEI. Compte tenu de la date à laquelle sera rendu le jugement, se posait effectivement la question de savoir si c'est cette loi, ou le droit qui lui a succédé, qui doit trouver application dans le cas d'espèce. Il s'agissait là cependant d'une question de fond, que les parties étaient invitées à aborder, si elles le souhaitaient, lors des réquisitoires et plaidoiries, et qui n'affectait pas la validité de l'acte d'accusation. La question préjudicielle a par conséquent été rejetée.
2.4 Dépôt, préalablement à l'ouverture des débats, du décompte détaillé des frais du MPC pour la présente procédure
2.4.1 Dans un second moyen préjudiciel, la défense a requis le dépôt par le MPC, préalablement à l'ouverture des débats de la cause, du décompte détaillé de ses frais en relation directe avec l'instruction menée contre la prévenue. Elle a fait valoir à cet effet l'ampleur des affaires connexes à la présente cause, dont elle a pris la mesure lors de la production de pièces issues d'autres procédures dans la présente. La défense entendait par conséquent s'assurer que les frais afférents aux différentes enquêtes soient correctement scindés. Ainsi, afin de préserver les intérêts pécuniaires d'A., la défense a requis la production de cette liste de frais (TPF 3.521.004 s. et 3.720.004 ss).
2.4.2 Invité à se prononcer sur cette requête, le MPC a annoncé que les frais indiqués dans son acte d'accusation, à hauteur de CHF 3'000.-, étaient constitués exclusivement d'émoluments. Il n'entendait donc pas mettre à la charge de la prévenue de la présente procédure des dépenses causées par une mesure d'instruction prise à l'encontre d'une autre personne. Par ailleurs, le montant requis à titre d'émolument entrait dans le cadre prévu par les dispositions applicables par la Cour des affaires pénales.
2.4.3 La Cour a constaté que, dès lors que le MPC a annoncé ne pas déposer de liste de frais, cette question préjudicielle devenait sans objet.
3. Infraction à l'art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées
3.1 Al-Qaïda et Etat islamique: contexte historique
3.1.1 L'organisation Al-Qaïda a été fondée au Pakistan et s'est progressivement étendue vers l'Afghanistan. Dès 2004, une ramification irakienne a été créée, nommée «Al-Qaïda en Irak». Des branches d'Al-Qaïda se sont également développées dans d'autres Etats tels, notamment, l'Algérie, le Yemen et la Somalie. Le chef d'Al-Qaïda en Irak était, jusqu'en 2006, Abou Moussab al-Zarqaoui. Celui-ci avait prêté allégeance à Oussama Ben Laden, dirigeant du noyau dur de l'organisation. C'est ensuite Abu Umar al-Baghdadi qui a repris la direction de la section irakienne, rebaptisant celle-ci «Etat islamique en Irak». A la mort de ce dernier, en mai 2010, la direction de la section est revenue à Abu Bakr al-Baghdadi. Dès la mort d'Oussama Ben Laden en mai 2011, Ayman al-Zawahiri a pris la tête du noyau dur d'Al-Qaïda (jugements de la Cour des affaires pénales SK.2020.23 du 20 juillet 2021 consid. 4.3.2, SK.2020.7 du 27 octobre 2020 consid. 2.2.3 et les références citées).
3.1.2 En avril 2013, Abu Bakr al-Baghdadi a proclamé, de sa propre autorité, l'«Etat islamique en Irak et en Syrie» (aussi appelé «Etat islamique en Irak et au Levant»), dont il a décidé que la section syrienne d'Al-Qaïda, alors nommée «Jabhat Al Nusra» (ou «Front Al Nusra») constituait la ramification. Le chef de Jabhat Al Nusra, Abou Mohammad al-Joulani, a toutefois refusé de se soumettre à Abu Bakr al-Baghdadi et a renouvelé son allégeance à Al-Qaïda et Ayman al-Zawahiri (https://fr.wikipedia.org/wiki/Front_al-Nosran consulté le 10 mai 2023). Ce dernier a refusé l'union des sections irakienne et syrienne et a réattribué le territoire irakien à l'Etat islamique en Irak et le territoire syrien à Jabhat Al Nusra. Etant donné le conflit entre les factions d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri a expulsé la faction irakienne en février 2014. Il s'en est suivi, en juin 2014, la capture de Mossoul par les partisans de l'«Etat islamique en Irak et en Syrie», où Abu Bakr al-Baghdadi a proclamé, de sa propre autorité, le 29 juin 2014, un soi-disant califat nommé «Etat islamique». Cette organisation est similaire à Al-Qaïda concernant sa structure hiérarchique de direction, son organisation et ses objectifs (jugements de la Cour des affaires pénales SK.2020.23 du 20 juillet 2021 consid. 4.3.4, SK.2020.7 du 27 octobre 2020 consid. 2.2.4 et les références citées; Heimgartner/Inhelder, Strafbarkeit dschihadistischer Propaganda, AJP/PJA 11/2022 p. 1217 ss, p. 1221).
3.1.3 Al-Qaïda et l'Etat islamique promeuvent le terrorisme et l'extrémisme violent; ces organisations convainquent de leurs objectifs et recrutent des combattants à travers le monde entier, utilisant à cette fin une propagande intense, en particulier par le biais de moyens de communication modernes. Leur idéologie est diffusée à large échelle, renforçant ainsi la visibilité et l'attrait desdits groupements. C'est dans l'intention de préserver les intérêts sécuritaires helvétiques et de limiter, dès les premiers signes, le développement de ces réseaux en Suisse et la diffusion de leur idéologie que le législateur suisse s'est doté d'actes législatifs – d'abord sous la forme d'ordonnances puis sous celle de lois successives – interdisant ces groupements et rendant punissable tout acte de soutien à ces dernières (jugements de la Cour des affaires pénales SK.2020.23 du 20 juillet 2021 consid. 4.3, SK.2020.7 du 27 octobre 2020 consid. 2.2 et les références citées).
3.2 Droit applicable
3.2.1 La loi interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées, reposant sur la clause d'urgence (art. 165 al. 1 Cst.), est entrée en vigueur le 1er janvier 2015, remplaçant l'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 23 décembre 2011 interdisant le groupe Al-Qaïda et les organisations apparentées et l'ordonnance du 8 octobre 2014 interdisant le groupe «Etat islamique» et les organisations apparentées. La durée de validité de cette loi, initialement en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2022, afin de permettre l'entrée en vigueur d'une norme équivalente dans la loi fédérale sur le renseignement (RS 121; LRens; Message concernant la prorogation de la loi fédérale interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées, FF 2018 99).
3.2.2 Depuis le 1er juillet 2021, l'art. 74 LRens prévoit, à son al. 4, que «quiconque s'associe sur le territoire suisse à une organisation ou à un groupement interdit visé à l'al. 1, met à sa disposition des ressources humaines ou matérielles, organise des actions de propagande en sa faveur ou en faveur de ses objectifs, recrute des adeptes ou encourage ses activités de toute autre manière est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire». Conformément à l'art. 74 al. 1 LRens, le Conseil fédéral a déterminé les groupements et organisations interdits par décision de portée générale concernant l'interdiction des groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et des organisations apparentées du 19 octobre 2022 (FF 2022 2548). Le juge peut atténuer la peine visée à l'al. 4 si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation ou du groupement (al. 4bis). Est aussi punissable celui qui commet l'infraction à l'étranger, pour autant qu'il ne soit pas extradé; l'art. 7 al. 4 CP est alors applicable (al. 5). La poursuite et le jugement des infractions au sens des al. 4 et 5 relèvent de la juridiction fédérale (al. 6). Le texte des al. 4 à 6 de l'art. 74 LRens correspond en tous points à celui de l'art. 2 LAQEI, à cela près que l'al. 4bis de cette disposition légale n'a pas d'équivalent dans l'art. 2 LAQEI.
3.2.3 Aux termes de l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de non-rétroactivité de la loi pénale). L'art. 2 al. 2 CP institue cependant le principe de la lex mitior, à teneur duquel le nouveau droit est applicable aux crimes et délits commis avant son entrée en vigueur, si l'auteur n'est mis en jugement qu'après cette date et si le nouveau droit lui est plus favorable que la loi en vigueur au moment de l'infraction. Ainsi, c'est le droit en vigueur au moment où l'acte a été commis qui trouve application, à l'exception des cas dans lesquels la nouvelle loi serait plus favorable au prévenu. S'agissant d'une exception au principe de non-rétroactivité de la loi pénale, la lex mitior trouve sa justification dans le fait que, en raison d'une conception juridique modifiée, le comportement considéré n'apparaît plus ou apparaît moins punissable (ATF 134 IV 82 consid. 6.1). Savoir si le nouveau droit est plus clément que l'ancien s'apprécie par rapport au cas concret: le tribunal doit examiner l'infraction aussi bien selon l'ancien droit que selon le nouveau droit et déterminer lequel aboutit à la situation la plus favorable pour le prévenu. Une fois qu'il est établi si le comportement est punissable également selon le nouveau droit, les peines et mesures de l'ancien et du nouveau droits doivent être comparées (ATF 148 IV 374 consid. 2.1 et les références citées). Le nouveau droit ne doit être appliqué que s'il aboutit à un résultat effectivement plus favorable pour le prévenu. Si les deux droits conduisent au même résultat, c'est le droit en vigueur au moment des faits incriminés qui trouve application (ATF 147 IV 241 consid. 4.2.2).
3.2.4 En l'espèce, les faits incriminés se sont déroulés en 2018 et en 2020. Les actes reprochés à la prévenue étaient alors réprimés par l'art. 2 LAQEI. Cette norme pénale ayant été abrogée au 31 décembre 2022 et remplacée par l'art. 74 al. 4, 5 et 6 LRens, se pose ici la question de la lex mitior. In casu, l'ancienne et la nouvelle disposition pénale incriminent exactement les mêmes comportements et prévoient les mêmes sanctions. Il ne peut se trouver de situation qui serait punissable en application de l'art. 2 LAQEI, mais ne le serait pas, ou moins, en application de l'art. 74 LRens, de sorte que l'application de l'une ou l'autre loi aboutirait exactement au même résultat. C'est ainsi la norme en vigueur au moment des faits, soit l'art. 2 LAQEI, qui prévaut, hormis le cas particulier de l'al. 4bis de l'art. 74 LRens, qui ne s'applique pas en l'espèce. En outre, l'art. 66a CP (expulsion obligatoire) a été modifié et intègre désormais les infractions visées à l'art. 74 al. 4 LRens dans le catalogue des infractions entraînant l'expulsion obligatoire, alors que l'infraction de l'art. 2 LAQEI ne figurait pas dans ce catalogue (art. 66a al. 1 let. p CP; sur la question de l'expulsion dans le cas d'espèce, cf. consid. 6 infra). L'application de l'art. 74 LRens s'avèrerait donc, sous cet angle, défavorable à la prévenue. Partant, les comportements reprochés à A. doivent être appréciés à l'aune de l'art. 2 LAQEI.
3.3 En droit
3.3.1 Aux termes de l'art. 1 LAQEI sont interdits le groupe «Al-Qaïda» (let. a), le groupe «Etat islamique» (let. b), les groupes de couverture, ceux qui émanent du groupe «Al-Qaïda» ou du groupe «Etat islamique» et les organisations et groupes dont les dirigeants, les buts et les moyens sont identiques à ceux du groupe «Al-Qaïda» ou du groupe «Etat islamique» ou qui agissent sur son ordre (let. c). L'art. 2 al. 2 LAQEI dispose que quiconque s'associe sur le territoire suisse à un groupe ou à une organisation visés à l'art. 1, met à sa disposition des ressources humaines ou matérielles, organise des actions de propagande en sa faveur ou en faveur de ses objectifs, recrute des adeptes ou encourage ses activités de toute autre manière est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1); quiconque commet l'infraction à l'étranger est aussi punissable s'il est arrêté en Suisse et n'est pas extradé; l'art. 7 al. 4 et 5 CP est applicable (al. 2).
3.3.2 La disposition pénale de l'art. 2 LAQEI a pour effet de déplacer la punissabilité en amont, puisqu'elle rend déjà répréhensible le fait de soutenir et encourager les groupements visés par la loi. Le bien juridique protégé est ainsi la sécurité publique avant même que les crimes ne soient commis, la menace des organisations susmentionnées se manifestant déjà par une propagande agressive dont on ne peut exclure qu'elle incite les personnes vivant en Suisse à commettre des attentats ou à rejoindre des organisations terroristes (ATF 148 IV 398 consid. 4.8.3.2 et les références citées).
3.3.3 La réalisation de l'infraction n'est pas liée à la survenance d'un résultat concret. L'élément constitutif objectif est ainsi déjà rempli lorsque l'auteur réalise l'un des comportements visés par la disposition, soit lorsqu'il participe à un groupement ou une organisation interdite, lorsqu'il met à leur disposition des ressources humaines ou matérielles, lorsqu'il organise des actions de propagande en leur faveur ou en faveur de leurs objectifs, lorsqu'il recrute pour l'un de ces groupements ou organisations ou lorsqu'il encourage leurs activités de toute autre manière. Il s'agit ainsi d'une infraction de mise en danger abstraite, l'infraction étant consommée dès que l'un des comportements incriminés est réalisé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_948/2016 du 22 février 2017 consid. 4.1; jugement de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral [ci-après: la Cour d'appel] CA.2020.22 du 16 décembre 2021 consid. 2.2).
3.3.4 Tout comme pour le soutien à une organisation criminelle au sens de l'art. 260ter ch. 1. al. 2 CP, en cas d'actes multiples de soutien à une seule et même organisation visée par l'art. 1 LAQEI par diffusion de contenu sur un média social, le comportement visé à l'art. 2 al. 1 LAQEI est réalisé une fois et non plusieurs. Il doit alors être retenu une unité d'action et la commission d'une infraction simple (jugements de la Cour des affaires pénales SK.2019.63 du 18 décembre 2019 consid. 2.7, SK.2019.23 du 15 juillet 2019 consid. 5.3.2).
3.3.5 L'élément constitutif objectif de l'infraction visée à l'art. 2 al. 1 LAQEI est notamment rempli par celui qui diffuse sciemment et de manière objectivement reconnaissable de la propagande pour des groupements interdits (arrêts du Tribunal fédéral 6B_169/2019 du 26 février 2020 consid. 2.4 et 6B_948/2016 du 22 février 2017 consid. 4.2.2). En effet, par la diffusion de propagande, l'auteur communique à des tiers des contenus promouvant des groupements interdits ou leurs objectifs. Cette communication augmente ainsi la probabilité que lesdits contenus bénéficient d'une attention accrue. En règle générale, il n'est donc pas nécessaire que la propagande soit diffusée à un grand nombre de personnes (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 3.2.2 et les références citées).
3.3.6 La propagande au sens général du terme se traduit – tout comme la publicité – par des mesures visant à inciter le destinataire à penser, à se comporter ou à agir d'une certaine manière. Tant la propagande que la publicité visent donc à influencer l'attitude du destinataire. Les formes de manifestation de la propagande et de la publicité sont multiples, notamment à travers des écrits, du son, des images, de la couleur, des formes ou des actes. La publicité et la propagande se distinguent par leur champ d'application. La propagande désigne généralement la publicité qui ne se réfère pas à des domaines commerciaux, mais à des domaines idéologiques, en particulier dans les domaines culturels, sociaux, politiques ou religieux (jugements de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 3.2.3, SK.2020.7 du 27 octobre 2020 consid. 3.4.1). Toute propagande n'est évidemment pas interdite, de nombreuses déclarations étant protégées par le droit fondamental à la liberté d'opinion et d'information (art. 16 Cst.). Toutefois, en cas de conflits de droits fondamentaux, ceux-ci peuvent souffrir des restrictions (art. 36 Cst.). C'est ainsi que, les actions de propagande visées par l'art. 2 LAQEI étant susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à l'ordre public, leur interdiction s'avère nécessaire pour protéger les intérêts publics précités et proportionnée pour lutter contre la menace que cette propagande représente. La diffusion de propagande en faveur de groupes interdits n'est dès lors pas protégée par la liberté d'expression (jugement de la Cour d'appel CA.2020.22 du 16 décembre 2021 consid. 3.1.4.1; jugement de la Cour des affaires pénales SK.2020.7 du 27 octobre 2020 consid. 3.4.4).
3.3.7 La norme pénale de l'art. 2 LAQEI aspire à intervenir efficacement contre de potentielles menaces d'apparence variable, ce qui impose un cadre relativement large pour la pénalisation des activités de propagande. En matière de propagande d'idéologies racistes (art. 261bis al. 3 CP), la publication de liens internet directs vers des contenus discriminatoires sur le plan racial est punissable, mais non le partage d'un lien internet indirect (renvoi à d'autres liens) vers ces mêmes contenus. Partant, sont punissables les actes publicitaires qui se réfèrent directement et immédiatement aux contenus à caractère de propagande et visent à les diffuser. Cette limite donne un cadre à la punissabilité des actions de propagande et évite une extension inadmissible de celle-ci (jugement de la Cour d'appel CA.2020.22 du 16 décembre 2021 consid. 3.2.2.3).
3.3.8 L'interdiction de propagande de l'art. 2 al. 1 LAQEI vise les contenus promouvant l'idéologie et les valeurs de tous les groupements ou organisations mentionnés à l'art. 1 LAQEI – lesquels sont notamment reconnaissables par la présence de leur drapeau (Ajil/Lubishtani, Le terrorisme djihadiste devant le Tribunal pénal fédéral, in: jusletter du 31 mai 2021, p. 31 et la jurisprudence citée) –, ou leurs objectifs. Est notamment prohibé le partage d'images, de photographies, de textes, de vidéos, etc. via des canaux internet et des médias sociaux (comme Facebook ou Twitter). Tant la manière par laquelle sont effectuées les actions de propagande que les moyens de communication utilisés à cette fin sont indifférents. Un support vidéo peut notamment servir à la diffusion de contenu à caractère de propagande (jugements de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 3.2.3, SK.2020.7 du 27 octobre 2020 consid. 3.4.4). Les représentations qui, objectivement, ne présentent pas de lien évident avec un groupe djihadiste extrémiste ou son idéologie, ne doivent pas être considérées en soi comme de la propagande. C'est le cas, par exemple, lorsqu'une personne appelle dans un média au respect de comportements (tels que des codes vestimentaires) qui ne sont pas seulement ceux de l'Etat islamique, mais aussi ceux d'espaces religieux et culturels islamiques (Heimgartner/ Inhelder, Strafbarkeit dschihadistischer Propaganda, AJP/PJA 11/2022 p. 1217 ss, p. 1223). Par ailleurs, le contexte de la diffusion de contenus à caractère de propagande doit être pris en considération pour déterminer si ledit contenu, tel que partagé, a pour vocation d'informer et éclairer les destinataires afin que ceux-ci se forgent leur propre opinion ou si, au contraire, la diffusion d'un contenu, même s'il apparaît de prime abord neutre, vise à influencer ses destinataires. La diffusion de contenus à caractère de propagande, sans distance ni réflexion, ne peut être considérée comme un partage d'information à visée neutre, mais entre dans les actes répréhensibles au titre de propagande (jugement de la Cour d'appel CA.2020.22 du 16 décembre 2021 consid. 3.1.4.2; Heimgartner/Inhelder, op. cit., p. 1223). De simples manifestations de sympathie ou marques d'admiration pour un groupement interdit, sans réalisation de l'un des comportements visés par l'art. 2 LAQEI, ne relèvent pas de la propagande punissable au sens de l'art. 2 LAQEI (ni d'ailleurs de la clause générale de l'«encouragement de toute autre manière»), par analogie avec la jurisprudence fédérale selon laquelle de tels comportements ne sont pas considérés comme un soutien à une organisation criminelle au sens de l'art. 260ter ch. 1 al. 2 CP (jugement de la Cour d'appel CA.2020.16 du 23 août 2021 consid. II.2.5.3.2; jugements de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 3.2.5, SK.2020.23 du 20 juillet 2021 consid. 5.3.2, SK.2020.7 du 27 octobre 2020 consid. 3.2.2 s., Leu/Arvex, Das Verbot der «Al-Qaïda» und des «Islamischen Staats», AJP/PJA 6/2016, p. 756 ss, p. 763).
3.3.9 L'exigence de publicité est inhérente à la notion de propagande. Cependant, il n'est pas nécessaire que l'acte de propagande soit effectué en public; il suffit que celui-ci soit destiné à un certain public. Ainsi, même la dissimulation de propagande d'un groupement interdit, laquelle ne peut par nature pas être faite de manière publique, tombe sous la norme pénale de l'art. 2 LAQEI (arrêt du Tribunal fédéral 6B_948/2016 du 22 février 2017 consid. 4.2.1; jugements de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 3.2.4, SK.2019.74 du 7 octobre 2020 consid. 2.2.2.3). De manière générale, un acte est public lorsqu'il n'a pas lieu dans le cadre privé. Une discussion en face à face appartient au cercle privé, compte tenu de la confiance qui en résulte, même si les participants se connaissent peu. L'élément déterminant, pour juger du caractère public d'une action de propagande, est de savoir si l'auteur maîtrise ou non le rayon des destinataires de ses propos. Dans l'espace numérique, qu'il s'agisse de publications sur des médias sociaux ou d'échanges avec un cercle fermé de destinataires (en particulier via des chats tels Whatsapp ou Telegram), il est pratiquement impossible pour l'auteur de maîtriser la dispersion de ses propos. Ainsi, même en adressant des contenus caractéristiques de propagande à une seule personne, l'auteur augmente déjà la probabilité que ces contenus atteignent des tiers, de sorte que la propagande est rendue publique (jugements de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 3.8.3.3, SK.2019.74 du 7 octobre 2020 consid. 2.3.3; Heimgartner/Inhelder, op. cit., p. 1217 ss, p. 1224). La punissabilité d'actions de propagande de faible intensité est conforme à la volonté du législateur de définir de manière large l'infraction de façon à pouvoir incriminer tout ce qui favorise l'existence et les activités des groupements interdits (Message concernant la prorogation de la loi fédérale interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées; FF 2018 98). Pour satisfaire à l'exigence de précision de la loi, la jurisprudence retient que sont punissables tous les comportements qui présentent une certaine proximité avec les activités criminelles des groupements interdits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_948/2016 du 22 février 2017 consid. 4.2.1; jugements de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 3.2.4, SK.2019.74 du 7 octobre 2020 consid. 2.2.2.3).
3.3.10 L'«encouragement de toute autre manière» est une clause générale qui n'est examinée qu'à titre subsidiaire (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2020.7 du 27 octobre 2020 consid. 3.3). Cette variante est délibérément définie de manière large afin de pouvoir punir tout acte visant à encourager les activités des organisations terroristes interdites (jugement de la Cour d'appel CA.2020.22 du 16 décembre 2021 consid. 2.1). L'utilisation de notions générales par le législateur – qui laissent de la place à l'interprétation – est inévitable, et conforme à l'exigence de précision de la loi, dans le sens où seuls sont punissables les comportements présentant une certaine proximité avec les activités criminelles des groupements interdits, ce qui doit être évalué sur la base des circonstances objectives et subjectives de chaque cas concret (ATF 148 IV 298 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_948/2016 du 22 février 2017 consid. 4.2.1; jugement de la Cour des affaires pénales SK.2020.23 du 20 juillet 2021 consid. 5.3.3 et les références citées).
3.3.11 L'art. 2 LAQEI réprime une infraction intentionnelle. L'auteur doit agir en sachant que ses actes de propagande en faveur d'un groupement interdit atteindront des destinataires et avoir l'intention de faire de la publicité pour ce groupement, soit d'agir sur des tiers de manière à les convaincre des idées exprimées par ledit groupement, ou de renforcer leurs convictions (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 3.2.6). Si le comportement peut objectivement être qualifié de propagande, même en l'absence de sympathie établie, proximité particulière ou participation effective de l'auteur à un groupement interdit, il est présumé que celui-ci s'est accommodé du risque de renforcer le groupement, l'infraction étant alors réalisée par dol éventuel (jugement de la Cour d'appel CA.2020.16 du 23 août 2021 consid. 2.6.5.1; Ajil/Lubishtani, op. cit., p. 31 et la jurisprudence citée).
3.3.12 En outre, l'Etat islamique est mondialement connu comme groupe terroriste depuis au moins 2014 et aucune personne capable de discernement, en Europe et dans le monde arabe, ne peut ignorer que cette organisation commet des atrocités, ces informations ayant été largement relayées dans les médias ainsi que par les canaux d'information de l'organisation elle-même (jugement de la Cour d'appel CA.2020.16 du 23 août 2021 consid. 2.8.1; jugement de la Cour des affaires pénales SK.2020.23 du 20 juillet 2021 consid. 5.4). Une erreur sur l'illicéité au sens de l'art. 21 CP ne pourra donc entrer en ligne de compte sur ce point, puisque, selon la jurisprudence, celle-ci est exclue lorsque l'auteur sait, sur la base de son appréciation profane, que son comportement est contraire à l'ordre juridique ou lorsqu'il a le sentiment indéfini de commettre quelque chose d'illicite. Il n'est pas nécessaire que l'auteur connaisse la qualification juridique exacte de son comportement (ATF 148 IV 298 consid. 7.6; arrêts du Tribunal fédéral 6B_274/2021 du 1er décembre 2021 consid. 1.3.4, 6B_141/2020 du 9 juillet 2020 consid. 1.2.1).
3.4 Actes reprochés à A.
Il est reproché à A. d'avoir partagé, via les applications Whatsapp et Viber, des contenus vidéos, des images ou des textes en lien avec l'Etat islamique, par des envois effectués soit dans des conversations avec un interlocuteur unique, soit au travers de groupes composés de plusieurs participants.
3.5 Considérations générales sur la propagande pour l'Etat islamique
3.5.1 A titre liminaire, il convient de relever certains éléments factuels pertinents dans l'examen de l'ensemble des griefs d'envois de contenus à caractère de propagande et d'examiner les éléments constitutifs de l'infraction communs à tous les chefs d'accusation (cf. consid. 3.5.2 à 3.5.7 infra).
3.5.2 Position idéologique de la prévenue
3.5.2.1 A. se décrit comme étant de confession musulmane et pratiquante, ce par quoi elle entend faire les cinq prières quotidiennes, le jeûne du ramadan et respecter les règles du zakat (13-01-0009, -0053). Durant l'instruction, elle a déclaré suivre le courant islamique «salafis dans le chemin de l'Envoyé d'Allah» (13-01-0014). Devant la Cour de céans, A. a indiqué faire partie des gens qui «suivent la route du prophète d'Allah»; elle a ensuite décrit les salafis comme étant «les bonnes personnes, les gens honnêtes», précisant qu'elle essaie de les suivre, mais qu'il ne s'agit pas d'un groupe (TPF 3.731.013). La prévenue a déclaré vivre selon les préceptes religieux au quotidien, en faisant la prière cinq fois par jour et suivant les autres règles, notamment alimentaires et de séparation entre les hommes et les femmes. Elle déclare vivre ainsi depuis ses 18 ans. En revanche, elle se rendrait rarement à la mosquée (TPF 3.731.014). A. et C. ont donné à leurs enfants des prénoms à connotation religieuse. L'aîné a reçu le prénom de D. en lien avec […], le second se nomme E., ce qui veut dire […], et le cadet porte le prénom de F., inspiré de […] (13-01-0007; TPF 3.731.016).
3.5.2.2 Pour la prévenue, le voile qu'elle porte est une règle d'Allah (13-01-0053). A. a indiqué porter un voile intégral pour protéger son honneur. Elle souhaitait se couvrir entièrement et a ensuite découvert que c'est ce que préconise le coran – ce qui l'a «remplie de joie» (13-01-0010). Elle a également soutenu que ses parents ne voulaient pas qu'elle se couvre entièrement, mais qu'elle avait pu le faire après son mariage car son époux ne l'en avait pas empêchée (13-01-0010; TPF 3.731.015). Elle a déclaré toujours porter le voile intégral lorsqu'elle sortait, ce depuis 2015, et porter également un masque chirurgical depuis l'automne 2021 (TPF 3.731.015). Elle a constaté que son voile complique sa vie en Suisse (13-01-0089). Par ailleurs, la prévenue éviterait autant que faire se peut le contact – interdit par l'islam – avec les hommes hors du cercle familial (13-01-0048).
3.5.2.3 A. a déclaré pratiquer la religion en Suisse de la même manière qu'elle le faisait au Kosovo (13-01-0009). Elle a toutefois précisé à plusieurs reprises que, depuis son mariage, sa pratique avait changé «en bien», ce qui signifiait «croire toujours plus à Allah» et «demander uniquement son soutien et son aide»; il lui paraît également important d'avoir de bons rapports avec la famille, avec Dieu et avec les gens de manière générale (13-01-0010, -0054). La prévenue a encore déclaré se sentir plus libre de pratiquer l'islam en Suisse qu'au Kosovo, qu'elle y ressentait moins de risques d'être attaquée en l'absence de son mari, mais qu'elle avait tout de même déjà été attaquée en Suisse en raison de son habillement et, depuis, n'osait plus sortir de chez elle (13-01-0010). Lors de son audition finale devant le MPC, la prévenue a réaffirmé que sa croyance en Allah était renforcée (13-01-0087). Devant la Cour, elle a soutenu pratiquer plus les règles de l'islam, soutenir plus Allah et croire plus en lui (TPF 3.731.015).
3.5.2.4 Selon la prévenue, le djihad a deux significations, soit «un combattant pour Allah» et «le combat que l'on mène avec nous-même». Elle soutient qu'il est justifié de tuer une personne durant la guerre, mais non en dehors, et que, dans le cadre d'un combat pour Allah, il est justifié de tuer «pour que la parole d'Allah soit honorée, soit la plus haute». Par contre, seul l'Etat – qui fonctionne selon les lois d'Allah, soit le coran et les sunnas – peut en décider. Elle a ajouté qu'elle-même, en tant que femme, n'avait pas le droit de se battre (13-01-0011; TPF 3.731.018). Elle décrit la charia comme la loi d'Allah, soit le respect du coran et sunnas (13-01-0012).
3.5.2.5 Les déclarations de la prévenue démontrent une acceptation totale des préceptes de l'islam, sans recul ou nuance. L'intéressée trouve par exemple normal qu'un époux infidèle soit lapidé, car c'est là une règle du coran. Selon elle, «tout ce qu'Allah nous demande, nous devons le faire» et «[les règles du coran] doivent être suivies comme c'est écrit. […] c'est sans exception». Cependant, cela vaudrait uniquement pour les Etats «où on juge par le coran et les suunas». Elle se dit d'ailleurs favorable à un Etat islamique, qu'elle distingue toutefois de l'organisation terroriste «Etat islamique» (TPF 3.731.019 s.). Ainsi, la religion musulmane, respectivement le strict respect des préceptes de celle-ci, revêt une importance centrale dans la vie de la prévenue; cet élément est pertinent pour déterminer le contexte général dans lequel se seraient produits les faits reprochés à la prénommée, sans toutefois constituer, en soi, un indice de soutien à une organisation terroriste d'obédience islamique (cf. consid. 3.3.8 supra).
3.5.3 Déclarations sur les organisations terroristes
3.5.3.1 La prévenue a déclaré ne rien connaître à Al-Qaïda, n'avoir jamais été intéressée par ce sujet et ne jamais avoir soutenu cette organisation (13-01-0012; TPF 3.731.017).
3.5.3.2 Interrogée en décembre 2020 sur sa connaissance de l'organisation «Etat islamique», la prévenue a répondu que ce nom était connu du monde entier. Elle a expliqué avoir initialement eu une bonne opinion de cette organisation, puis avoir vu «qu'ils ont commis beaucoup d'actes de terrorisme». Elle se serait alors «repentie d'avoir vu leurs vidéos», car ils auraient «fait du mal à l'islam et aux musulmans». Elle a déclaré s'être «repentie il y a peu de temps», sans pouvoir préciser quand, indiquant avoir des «problèmes avec la mémoire» et avoir eu «une grande dépression», précisant uniquement que son repenti était venu «graduellement» (13-01-0012). Interrogée sur ce que lui a inspiré la proclamation unilatérale du Califat en Syrie et en Irak en septembre 2014, la prévenue a déclaré «qu'au début, c'était selon le coran et le suuna. Et, que c'était juste. Mais, avec le temps, j'ai compris que ce n'était pas ça» (13-01-0027). Lors de son audition du 12 juin 2021, A. a expliqué avoir soutenu l'Etat islamique à une certaine époque, sans pouvoir indiquer la période concernée, puis avoir compris «qu'ils commettaient des erreurs et ne respectaient pas les bonnes règles de l'islam» (13-01-0056). Elle a déclaré lors de cette audition ne pas les soutenir car «ils» étaient en train de commettre des actes terroristes (13-01-0057). Elle a encore précisé avoir soutenu l'Etat islamique «partant de l'idée, d'après ce que je comprenais à l'époque, qu'il s'agissait d'un vrai Etat de l'islam» et qu'elle apportait son soutien à ce groupement «surtout en lisant le Coran et en respectant les préceptes de l'islam» (13-01-0059). Confrontée aux nombreuses images et vidéos retrouvées dans son téléphone, A. a déclaré «en lien avec le terrorisme, il est vrai que l'on ne trouve que de la terreur, dedans. A l'époque, j'étais en faveur de l'Etat islamique. Aujourd'hui, j'ai beaucoup changé» (13-01-0060 s.).
Devant la Cour, la prévenue a réitéré ses explications quant au fait que l'Etat islamique aurait essayé de pratiquer l'islam, mais fait beaucoup de terreur. Elle a déclaré ne pas savoir comment ce groupement s'était formé ni quels en étaient les objectifs. En revanche, elle a indiqué savoir qu'«ils» ont fait la guerre et que la population a dû se battre. Selon elle, «c'est un Etat terroriste, ils ont fait beaucoup de terreur. Le monde entier a parlé d'eux». Elle a confirmé avoir modifié son opinion au sujet de ce groupement et que ce changement serait intervenu graduellement, sans pouvoir en préciser la période (TPF 3.731.017 s.). A ce jour, elle n'aurait aucun lien avec cette organisation, ne regarderait plus les contenus diffusés par celle-ci, car il s'agit d'un Etat terroriste et qu'elle se serait rendue compte que leurs actions ne sont pas bonnes (TPF 3.731.018).
3.5.3.3 Quant aux attentats commis par cette organisation au nom d'Allah et du Prophète, la prévenue répond qu'«ils n'ont jamais rien fait au nom du Prophète car c'est interdit. Vous me demandez par rapport à Allah, je vous réponds que c'est une thématique sur laquelle il faudrait beaucoup expliquer et je n'ai pas les connaissances nécessaires» (13-01-0027). Interrogée encore sur le sort qui attend, selon elle, les combattants de l'Etat islamique morts dans des actions pour cette organisation, la prévenue a répondu que «cela dépend de leur cœur. S'ils avaient de bonnes intentions, Allah va leur rendre la pareille. S'ils avaient de mauvaises intentions, il va les condamner». Elle a toutefois indiqué ne pas savoir quelle est l'intention d'un combattant de l'Etat islamique (13-01-0027; TPF 3.731.018). La prévenue a refusé d'indiquer le nom des prédicateurs dont elle écoute les prêches; elle a confirmé avoir parfois écouté H. et I., mais a nié les avoir entendu parler de l'Etat islamique (13-01-0029, -0054 ss).
3.5.3.4 Dès sa première audition, A. a reconnu que du «matériel interdit» serait trouvé sur son téléphone portable, ce par quoi elle entendait des vidéos relatives à l'Etat islamique et des chaînes concernant la religion musulmane (13-01-0016). La prévenue a reconnu avoir écouté ou entendu des enregistrements audios faisant la propagande de l'Etat islamique ou d'autres groupes djihadistes appelant les croyants à mener la guerre sainte en Syrie et en Irak (13-01-0025). Elle a déclaré avoir vu les vidéos sur l'Etat islamique sur son téléphone, notamment au moyen de l'application Telegram, ainsi qu'à la télévision. Elle a reconnu avoir été abonnée à des chaînes en albanais et en arabe, lesquelles auraient été bloquées en raison de leur contenu, et a admis qu'il s'agissait de médias de propagande de l'Etat islamique. Elle a constaté que cette organisation a commis beaucoup d'actes terroristes, qu'elle a tué des innocents, des femmes, des enfants. Quant au contenu des vidéos, elle les qualifie de «terrifiantes» (13-01-0012 s., -0024). Devant la Cour des affaires pénales, la prévenue a confirmé avoir été abonnée à des chaînes terroristes sur Telegram, sans être capable de préciser la période durant laquelle elle y était abonnée. Elle suivait en particulier des chaînes en arabe également pour apprendre cette langue (TPF 3.731.006). Elle a déclaré avoir pris connaissance des contenus dont l'envoi lui est reproché par le biais de l'application Telegram (TPF 3.731.025 ss), à l'exception de la vidéo visée sous les chefs d'accusation 1.1.1.3 et 1.1.2.1 qui lui aurait été envoyée par J. (13-01-0025 s.; TPF 3.731.026), la belle-sœur de son mari (13-01-0008).
3.5.3.5 Interrogée par la Cour sur ce que sont Ad-Dhikra, Al-Hak, Al-Furqua et Al Furat, soit les organes médiatiques dont proviennent certains des contenus dont le partage lui est reproché, la prévenue s'est contentée de fournir la traduction littérale de certaines de ces expressions, et de dire pour d'autres qu'elle ne savait pas de quoi il s'agissait (TPF 3.731.019).
3.5.3.6 Lorsque l'image du drapeau de l'Etat islamique lui a été présentée, la prévenue a lu ce qui était écrit sur ledit drapeau, soit «il n'y a pas d'autre dieu qui mérite d'être adoré à part Allah. Et Mohamed est son Envoyé». Interrogée sur ce à quoi elle associe ce drapeau, elle a répondu ne pas savoir, puis a précisé qu'il a été construit par l'Etat islamique. Elle a confirmé qu'il s'agit du drapeau de cette organisation (13-01-0025).
3.5.3.7 Interrogée sur la signification du geste de l'index levé, la prévenue a déclaré qu'il s'agit d'un témoignage qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah, que ce geste doit être fait lorsque sont effectuées les cinq prières (13-01-0011). Pour A., c'est un signe commun à tous les musulmans, qui n'appartient pas à l'Etat islamique, même si cette organisation l'utilise. La prévenue affirme trouver choquant qu'un geste noble soit utilisé de manière systématique par un groupe terroriste (13-01-0013). S'agissant de la photographie, figurant au dossier, de ses propres enfants exécutant ce geste, elle a reconnu les avoir fait poser de cette manière et avoir pris ladite photographie, mais ne pas pouvoir répondre sur la raison de cette mise en scène; elle est en outre restée silencieuse lorsqu'il lui a été exposé qu'une telle image ressemble aux images de propagande d'organisations terroristes (13-01-0058). Elle a ajouté ne pas avoir été contrainte de prendre cette photographie, précisant toutefois qu'elle ne le ferait plus aujourd'hui (13-01-0067). Aux yeux de la Cour, A. est ainsi consciente de l'appropriation de ce geste par l'Etat islamique.
3.5.3.8 La prévenue reconnaît elle-même avoir été favorable à l'organisation «Etat islamique». Dès lors qu'elle s'est intéressée à cette organisation et a, de ses propres aveux, consulté de la propagande en faveur de cette organisation, il est tenu pour acquis que la prévenue savait distinguer au moins les éléments principaux et récurrents de tels contenus. Par ailleurs, ses déclarations évasives concernant son changement d'opinion progressif, pour finalement considérer l'Etat islamique comme une organisation terroriste, restent équivoques et ne permettent pas de situer le moment où serait survenu ce changement.
3.5.4 Envoi des contenus par la prévenue
3.5.4.1 Durant l'instruction, la prévenue a reconnu avoir envoyé des vidéos de propagande pour l'Etat islamique à d'autres personnes (13-01-0013, -0024). Elle a admis la possibilité qu'elle ait envoyé à B. «quelque chose comme j'ai déjà parlé aujourd'hui», soit des contenus relatifs à l'Etat islamique (13-01-0020). Confrontée au fait qu'elle avait partagé plusieurs vidéos de propagande de l'Etat islamique avec B., A. a répondu que cela était plutôt rare et qu'elle n'avait pas souvenir d'avoir reçu de telles vidéos de la part de B. (13-01-0062). A. a également déclaré ne pas se rappeler avoir envoyé du matériel de propagande à G. (13-01-0064). Elle a répondu avoir procédé à ces envois avec son téléphone, au moyen des applications Telegram et Whatsapp, parfois Skype. Elle a également reconnu avoir utilisé l'application de messagerie Viber «tout au début», puis l'avoir supprimée, et avoir utilisé l'application Zoom, qui était liée à Telegram. Les applications étaient toutefois utilisées principalement pour communiquer avec ses proches, sa famille, ainsi que pour l'apprentissage du coran. L'envoi de matériel de propagande était, selon elle, peu fréquent (13-01-0061 s.).
Devant la Cour des affaires pénales, la prévenue a reconnu que le fait d'avoir vu des vidéos de propagande et les avoir transmises à des tiers faisait partie des mauvais côtés de son passé (TPF 3.371.010). Elle n'a pas contesté avoir envoyé des images à caractère de propagande pour l'Etat islamique, mais a déclaré ne pas se rappeler avoir procédé à la plupart des envois qui lui sont reprochés. Elle a reconnu avoir envoyé des vidéos à B., et, une seule fois, à G. Elle a en revanche déclaré ne pas se souvenir si elle en avait envoyé à C. et à K. Toujours selon ses déclarations, les envois auraient été effectués par l'application Telegram (TPF 3.371.023).
3.5.4.2 Selon l'acte d'accusation, les vidéos et autres contenus dont les envois sont reprochés à la prévenue durant l'année 2020 (chiffres 1.1.1 à 1.1.3 de l'acte d'accusation) auraient été adressés aux différents destinataires au moyen de l'application Whatsapp, sur le compte lié au numéro de téléphone 1 utilisé par la prévenue (13-01-0015). Quant à son utilisation des réseaux sociaux, A. a admis, en décembre 2020, utiliser Telegram ainsi que Whatsapp, et avoir eu des comptes Facebook et Instagram, qu'elle n'utilisait toutefois plus. Ses pseudonymes Whatsapp avaient été «A.a.», «A.b.» et «A.» (13-01-0015 s.). Interrogée par la Cour de céans, l'intéressée a confirmé utiliser, aujourd'hui encore, les réseaux sociaux Telegram et Facebook comme outils de communication (TPF 3.371.023).
3.5.4.3 A l'exception des images visées sous chiffre 1.1.2.5 de l'acte d'accusation (dont il sera question au consid. 3.6.8 infra), l'envoi des contenus incriminés par le biais de l'application Whatsapp, sur le compte lié au numéro de portable de la prévenue et sous le pseudonyme «A.a.» et «A.b.» sont établis par les éléments techniques au dossier, en particulier par le rapport d'exploitation du téléphone de la prévenue (10-01-0013 à -0030) ou de celui de B. (05-00-0008 note 11, TPF 3.510.492 à 3.510.500; Beilage 1 - 17560 A6 Chat1Excel).
Du rapport de la PJF, il ressort que les envois reprochés à A. sous chiffres 1.1.1.3, 1.1.1.4 et 1.1.1.5 auraient été effectués par B. (B. sendet am 27.08.2020/22:55:58 ein Video, welches von A. an weitere Personen (u.a. C.) versendet wurde; B. sendet darauf zwei weitere Videos. Das erste Propaganda-Lied wird durch den Übersetzer CHDO107 wie folgt beschrieben: «Chanson sur la persécution des musulmans et leur patience jusqu'au triomphe»; B. sendet darauf zwei weitere Videos. Im zweiten Video sind zwei kleine Kinder mit Sturmgewehren zu sehen. Sie drohen ITA-Rom mit Eroberung und IRQ-Bagdhad mit der Befreiung; 10-01-0018). Toutefois, tant le rapport d'exploitation du téléphone de B. (05-00-0009; TPF 3.510.496 s.) que le fichier contenant les retranscriptions des messages adressés depuis le téléphone de la prévenue (Beilage 1 - 17560 A6 Chat1Excel/Chat0100) indiquent clairement que ces trois contenus ont été adressés à B. par la prévenue. L'indication contraire dans le rapport de la PJF (cf. début du présent paragraphe) constitue ainsi une erreur de plume.
3.5.4.4 De l'acte d'accusation, il ressort que la prévenue aurait également adressé, en 2018, des textes caractéristiques de propagande pour l'Etat islamique au moyen de l'application Viber. Interrogée par le MPC puis par la Cour sur ce point, la prévenue a fermement contesté avoir disposé de l'application Viber sur son téléphone lorsque celui-ci a été séquestré (TPF 3.731.024 s. et 032), mais a admis avoir utilisé cette application en 2018 (13-01-0015 s., -0061 ; TPF 3.371.023 et 032). Elle a également déclaré ne pas se rappeler de conversations de groupe (TPF 3.731.024 s.). Confrontée aux textes envoyés par Viber, la prévenue a nié qu'il s'agisse de son téléphone, relevant que le nom de l'expéditeur indiqué dans la retranscription du message qui lui a été présentée est celui d'«A.c.». Selon elle, les contenus seraient donc tirés du téléphone d'un tiers. Elle a toutefois reconnu que le numéro auquel est rattaché le compte Viber est le sien et a admis avoir été surnommée «A.c.» par G. et d'autres «sœurs musulmanes» (TPF 3.731.032 s.). En outre, il ressort du rapport de la PJF que ce nom, «A.c.», est le pseudonyme utilisé par la prévenue sur l'application Viber. L'envoi des contenus visés aux chiffres 1.1.4 à 1.1.6 de l'acte d'accusation est pour le surplus établi par les éléments techniques au dossier (10-01-0117 ss).
3.5.4.5 Selon la défense, C. utilisait le téléphone de son épouse pour consulter des vidéos de propagande sur Telegram, lesquelles s'enregistraient alors automatiquement sur le dispositif, et a admis avoir pu s'envoyer à lui-même des vidéos de propagande (TPF 3.721.004 ss). Partant, la plupart des enregistrements de contenus à caractère de propagande sur le téléphone d'A. auraient été effectués par son mari. Il ne pourrait dès lors être retenu de manière certaine que les envois à C. ont été effectués par A., de tels partages ayant plus vraisemblablement été exécutés par C. lui-même (TPF 3.721.004 ss).
3.5.4.6 Il ne peut être exclu que C. ait parfois utilisé le téléphone de son épouse pour consulter, puis envoyer vers son propre téléphone portable des contenus de propagande interdits. Cela étant, un tel procédé doit être écarté pour les vidéos visées aux chiffres 1.1.2.1 à 1.1.2.4 de l'acte d'accusation (il sera revenu sur le cas particulier du chiffre 1.1.2.5 de l'acte d'accusation au consid. 3.6.8 infra). En effet, tout d'abord, les déclarations de la prévenue ne corroborent pas celles de son mari: cette dernière a indiqué être la seule utilisatrice de son téléphone portable, C. ne s'en étant servi qu'à de rares occasions (13-01-0016, -0067; TPF 3.731.036). Le téléphone était ainsi en principe utilisé par la prévenue, et, de manière occasionnelle seulement, par son époux, de sorte qu'en l'absence d'éléments contraires, le principe d'un envoi par A. lorsque le message émane de son téléphone est établi. En outre, les vidéos visées aux chiffres 1.1.2.1 à 1.1.2.3 ont été envoyées à C. après avoir été envoyées à B., et la vidéo visée sous chiffre 1.1.2.4 de l'acte d'accusation a été envoyée simultanément à B., K. et C. (malgré une erreur dans l'acte d'accusation de l'heure d'envoi de la vidéo à C., laquelle est toutefois clairement établie par le relevé des messages envoyés par la prévenue; Beilage 1 - 17560 A6 Chat1Excel/Chat7). Or, l'absence totale de contact entre hommes et femmes qui avait cours dans l'entourage de la prévenue, en raison des convictions religieuses de celle-ci (cf. consid. 3.5.2.2 supra) permet de retenir avec une certitude suffisante que les messages adressés à B. et K. l'ont été par A., de sorte que les vidéos envoyées à C. – peu après avoir été adressées aux amies de la prévenue – doivent nécessairement avoir été envoyées par la prévenue elle-même. A cela s'ajoute que C. a répondu depuis son propre téléphone portable – dont il est l'unique utilisateur – à l'envoi des vidéos visées aux chiffres 1.1.2.3 et 1.1.2.4 de l'acte d'accusation (Beilage 1 - 17560 A6 Chat1Excel/Chat72); or, cela n'aurait certainement pas été le cas si le prénommé avait envoyé les vidéos en question depuis le téléphone de son épouse vers le sien. Il est ainsi établi à satisfaction de droit que les vidéos visées sous chiffres 1.1.2.1 à 1.1.2.4 ont bien été adressées à C. par A.
3.5.5 Au vu de ce qui précède, les envois reprochés aux chiffres 1.1.1.1 à 1.1.6 de l'acte d'accusation par le biais des applications Whatsapp et Viber – dont le caractère de propagande reste à déterminer –, à l'exception du chiffre 1.1.2.5, sont établis (cf. sur ce point consid. 3.6.8 infra).
3.5.6 Destinataires
3.5.6.1 Est reproché à la prévenue l'envoi de contenus à caractère de propagande (cf. consid. 3.6 infra) par messages individuels à des amies, soit B., K. et G., ou à son mari, C., ainsi que, dans deux cas, par partage sur des conversations de groupe comprenant sept ou huit participants. Dans ces deux derniers cas, il ressort du rapport d'exploitation du téléphone de la prévenue qu'elle a elle-même créé les conversations de groupe sur lesquelles les contenus ont été partagés (10-01-0120 s.).
3.5.6.2 Quant à ses liens avec B., la prévenue la considère comme une amie ou une «sœur musulmane», qu'elle rencontrait rarement, mais avec qui elle communiquait par messages ou téléphone (13-01-0017, -0052; TPF 3.731.007). Les deux femmes se sont rencontrées par le biais de leurs époux respectifs et seraient liées uniquement par l'islam (13-01-0052). Du point de vue de la prévenue, B. et son mari, L., sont des musulmans pratiquants. L'intéressée a dit ne pas savoir si ceux-ci partagent sa vision de l'islam, mais a précisé que la pratique des cinq prières quotidiennes les réunissent (13-01-0019).
La prévenue a indiqué que son seul lien avec G. était celui de l'islam; elles se seraient parlé et parfois rencontrées. Elle a ensuite précisé considérer G. comme une «amie en islam» (13-01-0020 s.). Toutes deux se sont rencontrées en Suisse, parce que leurs époux se connaissaient (13-01-0021). G. aurait notamment aidé A. pour les affaires de la vie courante (13-01-0023). Pour A., G. et son mari M. sont des musulmans pratiquants qui observent les cinq prières quotidiennes (13-01-0022). Devant la Cour, la prévenue a déclaré entretenir les mêmes rapports avec G. qu'avec B., soit de bons rapports «de copinage» (TPF 3.731.007).
A. a déclaré, devant le MPC, ne pas côtoyer K. (13-01-0100). Devant la Cour, elle a indiqué avoir été amie avec cette dernière, précisant que leurs contacts avaient cessés quelques mois après l'arrestation de son époux (TPF 3.731.008).
3.5.6.3 Le partage de contenus reproché à la prévenue au titre de violation de l'art. 2 LAQEI est limité à un cercle déterminé de personnes, proches de la prévenue (quant aux participants aux conversations de groupe sur l'application Viber, la question peut rester ouverte, cf. consid. 3.6.9 et 3.6.10 infra). S'agissant toutefois d'envois par médias sociaux, soit dans l'espace numérique, le partage à petite échelle, comme en l'espèce, est déjà punissable, car il favorise l'existence ou les activités d'un groupement interdit, la prévenue perdant au moment de l'envoi toute maîtrise sur la diffusion ultérieure desdits contenus.
3.5.7 Absence de justification des envois
3.5.7.1 Lors de sa première audition par le MPC, la prévenue a déclaré avoir envoyé les vidéos «pour voir ce qu'ils font» (13-01-0013) et plus précisément, dans le cadre des envois à B., pour «montrer ce qu'ils étaient en train de faire, la terreur» (13-01-0020), ou, concernant un envoi à C., «pour qu'il voit ce qu'elle a dit» (13-01-0024). Elle a maintenu cette version par la suite, indiquant avoir procédé aux envois à B. «juste pour les visualiser» (13-01-0062), «pour montrer ce qui se passe» (13-01-0089) et à C. «juste pour les visualiser», précisant alors que «quand on fait des fois certaines choses, ça ne veut pas dire qu'on les fait avec une telle intention» (13-01-0094). Devant la Cour des affaires pénales, A. a encore répété avoir envoyé des contenus à ses proches pour qu'ils puissent «voir ce qui se passe» (TPF 3.731.023 s.; à l'exception de la vidéo visée aux chefs d'accusation 1.1.3.1 et 1.1.2.1 dont le motif de l'envoi sera développé au consid. 3.6.3 infra).
3.5.7.2 Interrogée sur sa volonté de convaincre B. de l'idéologie de l'Etat islamique, la prévenue a répondu que «ce n'était pas la question de convaincre. On peut envoyer de telles vidéos même à des non musulmans, juste pour qu'ils puissent consulter leur contenu» (13-01-0062). De même, devant la Cour, elle a déclaré ne pas avoir voulu convaincre les destinataires du bien-fondé de l'action de l'Etat islamique, mais leur permettre de s'informer de ce qu'il se passe, précisant qu'il s'agissait d'un sujet connu dont le monde entier parlait (TPF 3.731.025).
3.5.7.3 Il ressort par ailleurs des extraits de conversations tirées de l'analyse du téléphone portable de la prévenue, ou du téléphone de son mari, que les vidéos, nasheed (chants religieux musulmans, https://fr.wikipedia.org/wiki/Nachid consulté le 9 mai 2023) et autres textes ont été adressés aux différents destinataires sans le moindre message d'accompagnement, ni aucune contextualisation (Beilage 1 - 17560 A6 Chat1Excel).
3.5.7.4 La prénommée, invitée à préciser lors de l'instruction si B. adhérait, lorsqu'elle lui a envoyé les contenus en cause, à l'idéologie de l'Etat islamique, a refusé de s'exprimer sur les opinions de tiers (13-01-0062 s.). Quant à son mari, il partageait «à l'époque» son opinion favorable à l'Etat islamique, mais tel n'était plus le cas le 14 juin 2021, jour de l'audition en cause (13-01-0063). La prévenue a, devant la Cour de céans, déclaré ne pas savoir si les personnes à qui elle avait envoyé les contenus pour lesquels il lui est reproché d'avoir violé l'art. 2 LAQEI étaient ou non favorables à l'Etat islamique (TPF 3.731.023 s.).
3.5.7.5 A. a encore déclaré n'avoir attendu aucune réaction particulière de la part des personnes à qui elle avait envoyé les contenus incriminés, à l'exception de K., dont elle aurait attendu une réaction de choc face aux massacres commis (TPF 3.731.023 s.), une telle information n'étant toutefois en rien corroborée par l'absence de contextualisation indiquant à cette destinataire que la vidéo pouvait la heurter (Beilage 1 - 17560 A6 Chat1Excel/chat86). Rien n'indique dès lors que la prévenue se serait distancée des contenus envoyés. Aucun élément ne justifie ces envois par une volonté claire d'informer ou de pousser les destinataires à se forger une opinion propre et critique des contenus envoyés.
3.5.7.6 La prévenue a ainsi répété inlassablement, tout au long de ses auditions, avoir adressé à ses proches les vidéos et autres contenus incriminés au titre de propagande pour l'Etat islamique uniquement pour qu'ils en prennent connaissance ou qu'ils voient ce qu'il se passe, et en aucun cas dans le but de propager les idées ou actions de l'Etat islamique ou d'un autre groupement interdit. Les déclarations de la prévenue relatives à son absence totale de motivation à propager une idéologie, voire à sa volonté de simplement «montrer ce qu'il se passe» peinent à convaincre, n'étant au demeurant corroborées par aucun élément au dossier. En particulier, l'incapacité dans laquelle se trouve la Cour de déterminer si, au moment des envois, la prévenue était encore favorable ou non à l'Etat islamique et l'absence de messages d'avertissement, explication ou prise de distance avec les contenus envoyés ne permet pas de retenir que les envois effectués par la prévenue avaient des visées dénonciatrices ou même simplement informatives. Au contraire, hors de toute contextualisation, ces partages de contenus apparaissent répréhensibles, dès lors qu'aucun motif ne justifie ces envois. Cela étant, pour autant que les contenus soient effectivement caractéristiques de propagande pour un groupe proscrit (ce qui fera l'objet d'un examen au cas par cas, cf. consid. 3.6 infra), et que la prévenue devait comprendre qu'il s'agissait d'une telle propagande (à l'exception du consid. 3.6.1 infra), il est retenu, dans le sens de la jurisprudence constante de la Cour des affaires pénales et de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral, que le partage des contenus incriminés, sans distance ni réflexion, constitue un acte répréhensible au titre d'action de propagande pour des groupes interdits, un partage à visée complètement neutre devant être exclu. Partant, pour autant que les contenus partagés aient une teneur de propagande en faveur d'un groupement interdit (cf. consid. 3.6 infra), l'élément objectif de l'infraction de propagande au sens de l'art. 2 LAQEI est, sur le principe, rempli par leur partage dans les circonstances du cas d'espèce (les cas dans lesquels des éléments particuliers doivent être discutés seront développés dans les consid. 3.6.1 ss infra).
3.6 Comportements incriminés
3.6.1 Chef d'accusation 1.1.1.1
3.6.1.1 A. est accusée d'avoir adressé une bande sonore à B. par message du 20 mars 2020 sur l'application WhatsApp.
3.6.1.2 La bande sonore est décrite de la manière suivante par le MPC:
«un nasheed intitulé “Nous resterons malgré Ies complots de l'oppresseur”, diffusé par AD-DHIKRA MEDIA CENTER, créé par le groupe djihadiste «Boko Haram», groupe ayant prêté allégeance à l'organisation «Etat islamique» le 7 mai 2015 (309dd0aa-05ed-43c8-bf72-46890a43b59f.mp3)»
3.6.1.3 Dans l'examen de ce contenu, la PJF a précisé les éléments suivants. Les nasheeds sont des chants religieux musulmans, visant traditionnellement à raconter des histoires ou relater des batailles historiques, que les groupes terroristes utilisent désormais (05-00-0008 note 10). Boko Haram est un mouvement insurrectionnel et terroriste d'idéologie salafiste djihadiste créé au Nigéria en 2002 et ayant prêté allégeance à l'Etat islamique le 7 mai 2015. Boko Haram a publié ce nasheed le 1er février 2020 (05-00-0008, notes 12 et 14). En outre, Ad-Dhikra Media Center est un canal de propagande utilisé par l'Etat islamique (05-00-0008 note 13).
3.6.1.4 Interrogée par le MPC sur ce chef d'accusation, la prévenue s'est contentée de répondre ne pas savoir ce qu'est «Boko Haram» (13-01-0090). Devant la Cour, elle a répété ne pas connaître «Boko Haram». Elle a déclaré, après avoir écouté le nasheed en cause, qu'il était en arabe et qu'elle ne l'avait pas compris; elle n'avait pas pensé que B. le comprendrait ni qu'elle «en ferait quelque chose» (TPF 3.731.025).
3.6.1.5 Il ressort du rapport de la PJF que ce nasheed a été créé par Boko Haram (cf. consid. 3.6.1.3 supra). Cette organisation a prêté allégeance à l'Etat islamique et elle est l'auteure de nombreux actes terroristes. Il s'agit donc d'une organisation visée par l'art. 1 LAQEI, dont la propagande est interdite. Le document sonore en cause, en langue arabe et dépourvu de traduction, est accompagné d'une image comprenant la mention «Ad-Dhikra Media center», ainsi que plusieurs mots en langue arabe.
3.6.1.6 Il n'est pas établi que la prévenue disposait, à l'époque des faits pour lesquels elle est poursuivie, de connaissances de la langue arabe suffisantes pour comprendre le contenu du nasheed incriminé, respectivement les quelques mots en langue arabe figurant sur l'image qui l'assortit. De plus, le nom «Boko Haram» n'est pas prononcé dans cette bande sonore. Par ailleurs, la prévenue a déclaré qu'elle ignorait ce qu'est «ad-dhikra» et aucun indice concret ne permet de mettre en doute ces déclarations. Dans ces conditions, il n'est pas possible de retenir que l'intéressée pouvait établir un lien entre le nasheed en cause et une organisation terroriste, en particulier l'Etat islamique ou Boko Haram. Enfin, on ne saurait exclure que la prévenue n'ait, comme elle l'affirme, pas su ce qu'est Boko Haram, en dépit de son intérêt pour l'islam et l'Etat islamique. En effet, les médias européens ont beaucoup moins relaté les actions de ce groupe que celles de l'Etat islamique. De plus, Boko Haram est active sur un autre continent que celui où se situe le territoire revendiqué par l'Etat islamique et principalement dans un pays (le Nigéria) non arabophone, dans lequel l'islam n'est pas la religion unique ou largement prédominante. Dans ces conditions, il est douteux que cette organisation ait occupé un rôle central dans la propagande de l'Etat islamique; il est ainsi envisageable qu'A. n'ait pas non plus entendu parler de Boko Haram par ce biais. Dans ces conditions, la Cour ne peut retenir au-delà de tout doute raisonnable que la prévenue était consciente de partager à B. un contenu à caractère de propagande pour une organisation interdite.
3.6.1.7 Au vu de ce qui précède, A. est acquittée du chef d'accusation visé sous le chiffre 1.1.1.1 de l'acte d'accusation.
3.6.2 Chef d'accusation 1.1.1.2
3.6.2.1 Il est reproché à A. d'avoir envoyé une vidéo à B. par message du 22 mars 2020 sur l'application Whatsapp.
3.6.2.2 Le MPC a décrit ainsi la séquence vidéo:
«une vidéo de propagande diffusée par EL-FURKAN MEDIA, une aile médiatique de l'organisation « Etat islamique », traduite en albanais par Al Hak Media, organisation active dans la reproduction et la diffusion de propagande de l'organisation «Etat islamique», dans laquelle il est question du discours du porte-parole de l'organisation, Abu Hamza AL-QURASHI dans lequel il rappelle la persistance de l'organisation «Etat islamique» et son hostilité envers divers groupes (48e23ba4-1082-4896-811 8-e35844e5e579.mp4)»
3.6.2.3 Il ressort du rapport de la PJF que cette allocution date de janvier 2020, et que son titre est «Dieu les a détruits et le même sort attend les mécréants». Il y est question de la persistance de l'Etat islamique face aux attaques incessantes des forces américaines et occidentales ainsi que de l'hostilité de l'organisation envers divers groupes, notamment les forces kurdes, les groupes chiites – dont ceux affiliés au régime iranien tel le hashd al-sha'bi (Unités de mobilisation populaire) – et les groupes sunnites rejetant l'Etat islamique. L'allocution rappelle encore que la guerre contre Israël et les groupes palestiniens considérés comme déviants – notamment le Hamas – fait partie des objectifs de l'Etat islamique (10-01-0139). Toujours selon le rapport de la PJF, l'allocution a été publiée en janvier 2020 par al-Furqan Media, un organe médiatique de l'Etat islamique utilisé notamment pour la diffusion d'allocutions du leadership central de l'Etat islamique. Al Hak media, dont le logo figure sur la vidéo, apparaît comme une organisation active dans la reproduction et la diffusion de propagande de l'Etat islamique dans la région balkanique, mais n'est pas reconnu officiellement par l'Etat islamique (10-01-0139 s.). La Cour constate en sus que la vidéo consiste en une image fixe du titre de l'allocution ainsi que d'un nom, apparemment celui de la personne prononçant l'allocution, et de sous-titres en albanais traduisant le discours prononcé en arabe.
3.6.2.4 Devant le MPC, la prévenue a refusé de se déterminer sur ce chef d'accusation (13-01-0090). Interrogée par la Cour de céans, elle a indiqué qu'il s'agit d'un «appel de soutien à l'Etat islamique», mais ne pas se souvenir l'avoir envoyé à B. (TPF 3.731.026).
3.6.2.5 La Cour considère, à l'instar de la PJF (10-01-0140), que cette vidéo constitue du matériel de propagande en faveur de l'Etat islamique. L'allocution porte en effet sur la position de l'Etat islamique vis-à-vis d'autres groupements ou organisations et constitue un appel à la guerre contre différentes entités. À l'écoute de certains extraits, la prévenue a d'ailleurs elle-même rapporté qu'il s'agit d'un appel de soutien à l'Etat islamique. Ce contenu est au surplus produit par un organe médiatique officiel de l'Etat islamique. Cette allocution constitue dès lors manifestement de la propagande pour une organisation interdite.
3.6.2.6 En l'absence de déclaration spécifique de la prévenue quant à cette vidéo, il est renvoyé à sa motivation générale sur l'envoi de vidéo à caractère de propagande (cf. consid. 3.5.7 supra), à savoir la seule volonté de «faire voir» ce contenu. Puisqu'il doit être retenu que le contenu de cette vidéo était manifestement identifiable comme propagande en faveur de l'Etat islamique par toute personne albanophone et à défaut de justification quant à cet envoi, le comportement de la prévenue réalise l'élément constitutif objectif de l'infraction à l'art. 2 LAQEI par commission d'une action de propagande.
3.6.2.7 Le partage du contenu visé sous chiffre 1.1.1.2 de l'acte d'accusation est ainsi objectivement constitutif d'action de propagande en faveur de l'Etat islamique.
3.6.3 Chefs d'accusation 1.1.1.3 et 1.1.2.1
3.6.3.1 Il est reproché à A. d'avoir envoyé une vidéo le 27 août 2020 à B. (chef d'accusation 1.1.1.3) et le 28 août 2020 à C. (chef d'accusation 1.1.2.1), dans les deux cas par messages individuels via l'application Whatsapp.
3.6.3.2 L'acte d'accusation décrit comme suit la vidéo:
«une vidéo d'un lion, avec le drapeau de l'organisation «Etat islamique» en haut à gauche, avec, en fond sonore, un Nasheed à la gloire des «lions de I'Etat islamique» Abu Bakr Al-Baghdadi, Abu Mohammad Al-Adnani et Abu Mus'ab Az-Zarkaoui, tous anciens dirigeants de l'organisation ou de l'organisation prédécesseur (d986a3c9-cb88-41 49-bO6e-a0c391 adc66f.mp4/VID-20200826-WA0008.mp4)»
3.6.3.3 Le texte du nasheed, en albanais, se traduit de la manière suivante: «Dieu, merci, que par ta miséricorde, après chaque hiver, tu envoies le printemps. Tu as gardé cette religion en vie, et de génération en génération tu nous envoies comme guerriers. Je viens de Sham, pays qui a augmenté ma récompense, ma stratégie, mon Djihad. Loyal, jusqu'à la mort, aux paroles du Prophète (est) Abou Moussab al-Zarqaoui. Il nous a fait honneur, il nous a rendu fier, le Djihad c'est le trésor qu'il nous a laissé. Heureux est l'Islam pour ses fils, Ebu Berkri et Adnan, El- Zarqaoui, un pilier. Heureux l'Islam pour ses fils, dont tout le monde a entendu parler, des savants et des guerriers. Sãmarrã d'Irak, heureuse toi pour ceux que tu as élevés: un homme généreux d'âme, avec un cœur de lion. Tes batailles, Ebu-Bakr' El-Bagdhadi, ont terrifié l'ennemi. (Répétition des avant-derniers versets)» (05-00-0003 ss, annexe 1; TPF 3.510.394).
3.6.3.4 Interrogée sur le nasheed entendu dans cette vidéo, A. a indiqué qu'il lui a été envoyé par J. (belle-sœur de l'époux de la prévenue, cf. consid. 3.5.3.4 supra), qu'elle ne sait pas pourquoi elle l'a reçu, mais pense que J. voulait lui faire écouter les louanges aux personnes mentionnées dans le nasheed. A la question de savoir qui sont Abou Moussab al Zarqaoui et Ebu-Bakr El-Baghdadi, la prévenue a répondu que le second est «celui qui a construit cet Etat», qu'elle précise ensuite être l'Etat islamique. Quant à savoir ce qu'elle a pensé de la chanson, elle a déclaré ne pas avoir trouvé «que c'était un truc qui valait particulièrement la peine» (13-01-0025 s.). La prévenue a initialement déclaré qu'elle ne pensait pas avoir elle-même envoyé cette vidéo à d'autres personnes. Néanmoins, confrontée au fait que la vidéo a été envoyée depuis son profil Whatsapp à B., la prévenue a admis cet envoi, précisant toutefois que «c'était juste pour qu'elle écoute les louanges. C'était sans mauvaise intention». A la question de savoir pourquoi elle aurait envoyé une vidéo qu'elle-même ne trouvait pas intéressante, la prévenue a répondu avoir simplement voulu savoir ce qu'en pensait B. (13-01-0025 s.). Confrontée à des images des différentes vidéos dont l'envoi lui est reproché, la prévenue a déclaré se souvenir de celle-ci, contrairement aux quatre autres, et que la mélodie du nasheed lui avait fait penser à une mélodie d'Adem Ramadani (chanteur à succès en Macédoine du Nord; https://popnable.com/macedonia/artists/18209-adem-ramadani, consulté le 26 avril 2023). Selon elle, même si la mélodie ressemblait à celle de cet artiste, ce nasheed n'était pas de lui (13-01-0062). Elle a réitéré son explication relative à l'origine de la mélodie lors de son audition finale devant le MPC, précisant que «s'agissant du contenu du nasheed, je n'en avais aucune idée; je ne savais pas de quoi il était question. Le nasheed m'a été envoyé et je l'ai écouté» (13-01-0090 s.). Elle a ajouté que le nasheed en question n'était pas d'Adem Ramadani, seule la mélodie venant de lui et ayant, selon elle, «été volée» (13-01-0091). Interrogée sur la réaction de la destinataire de la vidéo – qui a répondu (en albanais) «Gloire à Dieu! J'en ai la chaire de poule» – A. a répondu qu'il est possible que ça lui ait plu mais que, pour sa part, elle avait plutôt un sentiment de peur «par rapport à tout ça» et qu'elle trouvait une tonalité un peu triste dans cette mélodie (13-01-0064). Quant à l'envoi de la vidéo à son mari, la prévenue a renvoyé à ses déclarations dans le cadre de l'envoi de cette vidéo à B. et a précisé avoir envoyé ladite vidéo à son C. «surtout pour lui montrer que la mélodie a été prise ailleurs, à savoir chez Adem Ramadani» (13-01-0094 s.). Lors de son audition par la Cour, la prévenue a encore une fois relevé que son intérêt pour le nasheed tenait particulièrement à l'utilisation d'une mélodie du chanteur albanophone Adem Ramadani, soulignant qu'il s'agit d'un texte pour les albanais de religion musulmane. Elle a indiqué avoir trouvé étonnant l'accord entre cette mélodie connue et le texte de ce nasheed, avoir été choquée par le contenu du texte en lien avec cette mélodie. Interrogée sur le nom Ebu-Bakr El Baghdadi, qui ressort du nasheed, A. savait qu'il s'agissait du dirigeant de l'Etat islamique, précisant toutefois que tout le monde le connaît car les médias en ont parlé (TPF 3.731.026). Toujours selon ses déclarations, tant l'envoi à C. que l'envoi à B. auraient été effectués en raison du choc éprouvé en entendant ce nasheed (TPF 3.731.026 s.).
3.6.3.5 B. a déclaré ne pas savoir qui sont les personnes dont il est question dans ce nasheed. Elle a indiqué qu'A. le lui a envoyé «sans raison», lui disant simplement qu'elle devait écouter. Elle a précisé «c'est un peu comme si quelqu'un envoie un chant d'Eminem qu'il aime bien», puis «si elle m'avait plu, je l'aurais écoutée de manière continue mais comme elle ne m'a pas plus intéressée, voilà». Selon elle, la prévenue lui aurait envoyé la chanson en pensant que ça pouvait l'intéresser (TPF 3.510.375). B. a plus tard déclaré, au sujet de cette vidéo, qu'il s'agissait effectivement d'un nasheed et qu'elle ne connaissait personne parmi les gens cités. Elle a ajouté avoir entendu d'autres nasheed, notamment «consacré à Adem Ramadani» qu'elle décrit comme étant un chanteur du Kosovo. Elle a encore précisé avoir «eu quelques émotions», soit «le même sentiment que quand j'ai écouté le nasheed consacré à Adem Ramadani» et que les émotions étaient positives parce que «c'était plus ou moins la même mélodie que l'on trouve dans les nasheeds de Adem Ramadani». Elle conteste ensuite que sa réaction ait été favorable à l'Etat islamique, indiquant que c'est «le nasheed, la mélodie qui m'intéressait en tant que telle» (TPF 3.510.428 ss).
C. a quant à lui déclaré que cette chanson n'était «pas anodine car elle reprenait une chanson existante, qui n'était pas de la propagande pour l'Etat islamique, et qui a été modifiée», concluant que la vidéo avait inspiré sa curiosité (TPF 3.510.183).
Bien qu'il ne soit pas reproché à la prévenue d'avoir adressé ce contenu à G., cette dernière a été interrogée sur ce nasheed, également retrouvé sur son téléphone. Elle l'a décrit comme étant une reprise d'une chanson d'Adem Ramadani, dont les paroles ont été changées pour en faire une glorification de l'Etat islamique. Elle aurait trouvé bizarre de recevoir un tel contenu et a indiqué qu'il s'agissait de la seule fois où A. lui aurait partagé de tels médias (12-01-0043).
3.6.3.6 Le texte du nasheed incriminé se réfère à deux figurent importantes de l'organisation «Etat islamique», Abou Moussab al-Zarqaoui et Ebu-Bakr El Baghdadi, dont il glorifie les actes. L'image accompagnant le texte de la vidéo – une tête de lion – n'est en elle-même pas de nature à lier cette séquence à une organisation interdite par la LAQEI, mais illustre le propos du texte qu'elle accompagne, lequel fait les louanges des lions de l'Etat islamique, soit de ses dirigeants, dont les noms sont mentionnés. En outre, le logo de l'Etat islamique figure en haut à gauche de l'image. Il s'agit ainsi d'un contenu à caractère de propagande pour l'Etat islamique, dont il doit être déterminé si le partage est constitutif de diffusion de propagande.
3.6.3.7 Au dire de la prévenue, ce nasheed l'aurait marquée en raison de la mélodie, qu'elle aurait identifiée à celle d'un chanteur connu, sans faire le lien entre les paroles de ce nasheed et l'Etat islamique. L'intéressée a toutefois admis connaître Ebu-Bakr El Baghdadi, précisant qu'il est de notoriété publique qu'il s'agissait du dirigeant de l'Etat islamique. A cela s'ajoute qu'elle a déclaré avoir été choquée par le contenu du texte, accordé à la mélodie. Il est ainsi tenu pour établi que la prévenue savait qu'il s'agissait d'un nasheed en faveur d'une organisation proscrite. En outre, comme pour les autres envois de contenus, ce nasheed a été adressé aux destinataires sans messages d'accompagnement ni contextualisation qui permettrait de retenir que cet envoi aurait eu pour vocation de partager son étonnement par rapport à l'association du texte du nasheed à la mélodie d'un artiste célèbre (cf. consid. 3.5.7 supra). Sous l'angle objectif, le partage de ce nasheed s'apparente ainsi à de la diffusion de propagande au sens de l'art. 2 al. 1 LAQEI.
3.6.3.8 Par le fait d'avoir envoyé le nasheed visé aux chiffres 1.1.1.3 et 1.1.2.1 de l'acte d'accusation, la prévenue a objectivement réalisé le comportement d'action de propagande de l'art. 2 LAQEI.
3.6.4 Chefs d'accusation 1.1.1.4 et 1.1.2.2
3.6.4.1 Il est reproché à A. d'avoir adressé une vidéo le 31 août 2020 à B. (chef d'accusation 1.1.1.4) et à C. (chef d'accusation 1.1.2.2), dans chaque cas par un message individuel sur l'application Whatsapp.
3.6.4.2 La séquence vidéo est décrite comme suite par le MPC:
«une vidéo accompagnée d'un Nasheed sur la persécution des musulmans et leur patience jusqu'au triomphe dans laquelle il est question du «noble Zarqawi», diffusée par Al Hak Media, organisation active dans la reproduction et la diffusion de propagande de l'organisation «Etat islamique» (85045d4a-b9b0-480e-ac91-8299b129a770.mp4, VID-20200831-WA0001.mp4)».
3.6.4.3 Le nasheed a été traduit ainsi par la PJF (10-01-0141 s.):
1. Peu importe la durée de la prison,
2. Peu importe combien ils complotent contre nous,
3. Nous ne lâcherons jamais,
4. Nous jurons que nous ne lâcherons jamais
5. Priez du sang, mes yeux,
6. Pour mes frères détenus,
7. Les criminels leur ont fait du mal,
8. Ils les ont aggressés (sic.),
9. Ils nous ont attachés avec du fer,
10.Menottez-nous, mais nous ne nous inclinerons pas.
11.Nos paroles sont bonnes, nos actes sont conscients,
12.Nos sentiers sont les sentiers des lions
13.Nos méthodes sont les méthodes de la constance.
14.Nous avons laissé derrière nous la vie oisive,
15.Et nous nous sommes dirigés vers la maison de l'éternité.
16.Ne t'appuie pas sur le traître,
17.C'est un espion vendu.
18.Notre sheikh c'est l'épée satinée,
19.Le noble Zarqawi.
20.Mes frères et sœurs, nous vous demandons de persévérer
21.Sur le chemin jusqu'à la mort.
22.Restez patients, soyez forts,
23.Ne vous préoccupez pas des tyrans.
3.6.4.4 Les paroles du nasheed sont sous-titrées en albanais et en arabe et les images de la vidéo montrent des scènes rappelant la détention et des personnes durant la prière islamique (10-01-0141). La PJF retient que ce nasheed, de nature politico-religieuse, constitue une expression de soutien aux prisonniers politiques et qu'il n'est pas, en soi, à caractère djihadiste. Elle relève toutefois la mention du «noble Zarqawi», dont elle déduit qu'il s'agit probablement d'une référence à Abu Mus'ab al-Zarqawi, ancien leader du groupe Al-Qaïda en Irak (10-01-0141). Dans son appréciation générale de la vidéo, la PJF précise que «le média «AI Hak Media» est connu pour la (re)production de matériel de propagande pour l'Etat islamique, sans pour autant y être officiellement affilié. La vidéo est à caractère djihadiste, sans toutefois, être clairement attribuable à un groupe proscrit» (10-01-0142).
3.6.4.5 Interrogée par le MPC, la prévenue s'est refusée à tout commentaire sur cette vidéo. Elle a toutefois déclaré que, de manière générale, les musulmans sont maltraités, surtout les femmes, qui ne peuvent sortir librement et sont obligées de rester chez elles pour assurer leur sécurité. Elle a ajouté que même en restant enfermés, les musulmans encourent le risque de voir des gens pénétrer chez eux et les mettre en prison pour des raisons injustes. Selon elle, «un musulman attaqué doit se taire pour qu'on ne le qualifie pas de terroriste et pour éviter l'emprisonnement. Le musulman doit donc se taire pour protéger sa personne et sa famille» (13-01-00091). Elle a en outre déclaré avoir adressé cette vidéo à son mari «juste pour voir» (13-01-0095). Devant la Cour des affaires pénales, elle a décrit la vidéo comme étant un ilahi ou nasheed dans lequel il est question de prisonniers musulmans maltraités et a confirmé que les paroles entendues correspondent à la succession d'images que contient la vidéo. Elle a en revanche déclaré ne pas être en mesure de rallier ce contenu à un groupement particulier. Elle a encore une fois affirmé avoir envoyé la vidéo uniquement pour que C. ou B. puissent la voir (TPF 3.731.028).
3.6.4.6 Ce nasheed relève du soutien à des prisonniers et insiste sur la justesse de la cause défendue, celle-ci ne ressortant toutefois pas clairement des paroles de ce chant. De plus, l'attribution à un groupe en particulier s'avère délicate. Les seuls liens concrets entre une quelconque organisation et le contenu incriminé en question tiennent en effet de la mention du «noble Zarqawi». Or, l'allusion faite à ce dernier laisse plutôt à penser que le contenu incriminé est lié à Al-Qaïda, alors que celui-ci est accompagné du sigle d'une entité médiatique proche de l'Etat islamique. Au demeurant, les images qui accompagnent le nasheed n'apportent aucun éclaircissement sur l'attribution de la vidéo à un groupe proscrit déterminé. En particulier, ne figure pas sur ladite vidéo le drapeau de l'Etat islamique, alors que ce symbole est en principe utilisé par dite organisation dans ses vidéos de propagande. Ainsi, étant donné que la propagande du djihadisme n'est proscrite que lorsqu'elle se rapporte à un groupe déterminé au sens de l'art. 1 LAQEI, ce qui ne peut être établi en l'espèce, le caractère répréhensible du contenu partagé ne peut être établi à satisfaction de droit.
3.6.4.7 Partant, A. est acquittée des chefs d'accusation 1.1.1.4 et 1.1.2.2.
3.6.5 Chefs d'accusation 1.1.1.5 et 1.1.2.3
3.6.5.1 Il est reproché à A. d'avoir, le 4 septembre 2020, envoyé une vidéo par messages individuels à B. (chef d'accusation 1.1.1.5) et à C. (chef d'accusation 1.1.2.3) au moyen de l'application Whatsapp.
3.6.5.2 La vidéo est décrite comme suit dans l'acte d'accusation:
«une vidéo montrant un enfant menaçant la ville de Rome et un deuxième, portant un bandeau aux couleurs de l'organisation «Etat islamique», promettant de sauver Bagdad (ad2cf736-d38d-49de-b613-f08ab6cl 8917.mp4, VID-20200904-WA0004)».
3.6.5.3 Le texte de la vidéo est en arabe, avec des sous-titres en albanais. Le premier enfant tire sur une canette avec une arme de type Kalaschnikov et dit «Nous arriverons à Rome avec la permission d'Allah le très haut». Le deuxième enfant – qui porte un bandeau avec le drapeau de l'Etat islamique – lève un fusil d'assaut en l'air. Il déclare: «Ô Bagdad, patiente car nous arrivons» (10-01-0014). La Cour constate encore que le second enfant fait le geste de lever l'index.
3.6.5.4 C. a répondu «Allahn ekber» (Allah est le plus grand) au message de sa femme (10-01-0014). Interrogé sur cette vidéo, C. a déclaré qu'elle signifie que «Rome et surtout Bagdad vont être libérées. Bagdad libérée du chiisme, de l'emprise de l'Iran. Et Rome, pas besoin d'être libérée car elle n'a pas été prise» (3.510.230).
3.6.5.5 Devant le MPC, la prévenue a déclaré ne pas se rappeler et «même s'il m'est arrivé de voir parfois ces vidéos, je n'ai pas forcément compris leur contenu, donc je n'ai pas compris ce qu'ils sont en train de dire. J'ai tout simplement visualisé cette vidéo juste pour voir» (13-01-0092). Encore une fois, elle aurait envoyé cette vidéo à B. «juste pour lui permettre de voir ce qu'il se passe» (13-01-0092). Interrogée sur l'envoi de cette vidéo à C., A. a répondu ne pas avoir de réponse, puis que «des choses se sont passées peut-être par hasard», ajoutant que tout est un choix d'Allah, y compris sa présence devant le MPC (13-01-00095). Entendue par la Cour, A. a déclaré, après avoir revu la vidéo, qu'il s'agit simplement d'enfants, que ceux-ci ne peuvent rien faire. Interrogée sur la mise en scène d'enfants avec des armes, elle a dit trouver cela terrible, sans toutefois que cette réponse ne soit spontanément avancée lorsqu'il lui a été demandé ce qu'elle pensait de la séquence vidéo. Une fois mis en évidence par la Cour qu'il s'agissait d'enfants avec des armes, la prévenue a répondu avoir envoyé cette vidéo à B. pour montrer qu'une telle mise en scène impliquant des enfants est terrible. Quant à C., elle lui aurait par contre envoyé cette séquence simplement pour qu'il la voie (TPF 3.731.028 s.).
3.6.5.6 Les éléments en présence, en particulier le drapeau de l'Etat islamique figurant sur le bandeau du second enfant, associé à son geste de lever l'index, rattachent manifestement cette vidéo à l'organisation Etat islamique. Au surplus, la volonté de conquête affichée dans le texte de cette vidéo rattache celle-ci à un groupement visant à s'étendre et la volonté de prise de Bagdad correspondait aux objectifs de l'Etat islamique, actif en Syrie et en Irak (https://labs.letemps.ch/interactive/2016/etat-islamique-histoire-violente/, consulté le 26 avril 2023; https://www.lepoint.fr/monde/irak-les-djihadistes-appeles-a-se-diriger-vers-bagdad-19-01-2014-1782006_24.php#11, consulté le 26 avril 2023).
3.6.5.7 La vidéo a au demeurant été envoyée sans la moindre contextualisation, ni mise en garde ou explication de la prévenue qui justifierait cet envoi. Comme pour les autres envois, aucun message n'a été adressé aux destinataires pour accompagner la vidéo et la prévenue a uniquement prétendu avoir voulu que ses contacts voient cette vidéo (cf. consid. 3.5.7 supra). Il s'agit ici d'une vidéo à caractère de propagande pour l'Etat islamique, manifestement identifiable comme telle, en particulier pour une personne de langue arabe ou albanaise. C. y a d'ailleurs répondu de manière positive, élément corroborant l'effet de propagande de la vidéo. Objectivement, l'infraction de diffusion de propagande est ainsi réalisée, son envoi n'étant justifié par aucun motif.
3.6.5.8 Partant, l'envoi, à deux personnes, par messages distincts, d'une vidéo de propagande de l'Etat islamique, conformément aux chefs d'accusation 1.1.1.5 et 1.1.2.3, est objectivement constitutif d'action de propagande selon l'art. 2 LAQEI.
3.6.6 Chefs d'accusation 1.1.1.6, 1.1.2.4 et 1.1.3
3.6.6.1 Le 15 septembre 2020, par messages individuels sur l'application Whatsapp, A. a envoyé une vidéo à B. (chef d'accusation 1.1.1.6), à C. (chef d'accusation 1.1.2.4) et à K. (chef d'accusation 1.1.3).
3.6.6.2 Le MPC décrit ainsi la vidéo:
«une vidéo dans laquelle une femme vêtue d'une burqa indique «Je suis de I'Etat islamique» (pag. 10-01-0143) et répète ensuite à plusieurs reprises à un journaliste qu'elle est originaire/de nationalité de l'«Etat islamique» (9O2fcb3d-425c-4352-848e-2891fc39ea51.mp4),
suite à quoi, le journaliste lui demande si elle a déjà entendu parler de «AI-Bakhdadi». La femme répond en arabe «Dawlatin baqiyah [sic]. Dawlat al-islam baqiyah», soit «l'EI reste et s'étend»,
la vidéo se termine par le début du nasheed «Qariban, qariban» en arabe, produit par «Ajnad», un média de l'organisation « Etat islamique » en 2015, qui est traduit comme suit: «Bientôt, bientôt, vous allez voir ce qui vous étonnera, une bataille féroce, vous allez voir»,
étant encore précisé que cette vidéo comprend un texte qui n'est pas lisible»
3.6.6.3 Le dialogue se déroule en anglais et l'image de la vidéo est de mauvaise qualité, très pixélisée (10-01-0029 s.). La source de la vidéo ne peut être identifiée, car le logo y figurant est illisible en raison de la mauvaise résolution de l'image (10-01-0143). Néanmoins, bien que la vidéo soit de basse qualité, les images décrites dans l'acte d'accusation apparaissent avec suffisamment de clarté.
3.6.6.4 Interrogée sur cette séquence vidéo par le MPC, A. a elle-même décrit la vidéo en ces termes: «[…] le monsieur lui demande d'où elle vient et elle, elle ne lui répond pas» (13-01-0025). Concernant l'envoi à B., la prévenue n'a pas répondu (13-01-0092). En ce qui concerne l'envoi de la vidéo à C., la prévenue a initialement déclaré avoir adressé cette vidéo à son mari uniquement «pour qu'il voie ce qu'elle a dit» (13-01-0025), puis a refusé de répondre lors de son audition finale (13-01-0096). Finalement, A. a déclaré ne pas se souvenir de ce qu'elle a envoyé à K. Elle a toutefois précisé, s'agissant de l'expression «bataille féroce», qu'«il est vrai qu'une chose pareille arrivera un jour» mais ne plus savoir le contexte dans lequel cela aurait été dit. Elle a encore ajouté que «la science se réfère à la fin du monde. Il a été dit plusieurs fois qu'il y aura la fin du monde et qu'il y aura une grande guerre. Dans ce cas-là, la victoire appartiendra aux musulmans» (13-01-0096). Lors de son audition par la Cour des affaires pénales, après avoir visionné la vidéo, la prévenue a expliqué qu'il s'agit d'un journaliste qui demande à une dame d'où elle vient, ce à quoi elle répond venir de l'Etat islamique. La prévenue affirme également avoir compris cette vidéo la première fois qu'elle l'a vue, «car elle parle en anglais» (TPF 3.731.029).
3.6.6.5 L'envoi de la vidéo a suscité la réponse «Maschallah» (Dieu soit loué) de C. (10-01-0029 s.). Interrogé sur cette vidéo, ce dernier a déclaré qu'il s'agit de femmes dans un camp, qu'il est difficile de voir des femmes «entassées là-bas» et qu'elles ne sont pas toutes «pro-Etat Islamique». Il n'a pas su expliquer pourquoi sa femme lui avait envoyé cette vidéo, mais pensait que la vidéo l'avait touchée (TPF 3.510.074). Lors de son audition finale, il a répondu ne pas se souvenir de cette vidéo (TPF 3.510.339).
K. a quant à elle répondu au message par «Haha. Je ne comprends pas.» La conversation se poursuit par un message, effacé de la conversation et dont la Cour ne peut par conséquent prendre connaissance, mais auquel la destinataire a répondu par une explication du contenu de la vidéo, qu'elle conclut par «Qu'allah propage le bien… Ces journalistes-là sont comme les asticots». A cela, la prévenue répond par «Ah maintenant j'ai compris haha. Malekum Salam (salutation en arabe)» (10-01-0017; Beilage 1 - 17560 A6 Chat/ExcellChat0086). Interrogée par la Cour des affaires pénales, la prévenue n'a pas été en mesure d'expliquer ce passage de la conversation avec K. (TPF 3.731.030).
3.6.6.6 La Cour de céans constate que la description de la vidéo faite par la PJF est correcte. Elle retient que cette vidéo promeut l'idéologie d'une organisation visée par la LAQEI, dès lors que la femme interrogée affirme être ressortissante d'un «Etat» autoproclamé, non reconnu par la communauté internationale et considéré par de nombreux Etats comme une organisation terroriste, que ce contenu a été produit par un média appartenant à cette organisation, et qu'il y est fait mention d'Al-Baghdadi.
3.6.6.7 En outre, aucun élément au dossier n'indique que la prévenue se serait voulue critique à l'égard de cette vidéo ou qu'elle entendait encourager ses destinataires à se forger une opinion propre. Au contraire, le partage de ce contenu, sans messages d'accompagnement, s'apparente à une promotion des idées traduites par le contenu, soit à de la propagande (cf. consid. 3.5.7 supra). Objectivement, le comportement de diffusion de contenu à caractère de propagande pour une organisation visée par la LAQEI est ainsi rempli.
3.6.6.8 Partant, les comportements décrits aux chiffres 1.1.1.6, 1.1.2.4 et 1.1.3 de l'acte d'accusation sont objectivement constitutifs d'action de propagande au sens de l'art. 2 LAQEI.
3.6.7 Chef d'accusation 1.1.1.7
3.6.7.1 Il est reproché à A. d'avoir, le 19 septembre 2020, envoyé une vidéo à B. (chef d'accusation 1.1.1.7) par message sur l'application WhatsApp.
3.6.7.2 La vidéo est décrite comme suit par le MPC:
«une vidéo de propagande de l'organisation Etat islamique», diffusée par AlFurat Media Center, une agence médiatique de l'organisation «Etat islamique», dont le logo apparaît à la minute 00:15,
dans laquelle apparaissent des hommes en habits traditionnels ou en habits militaires, qui lisent le coran, ainsi qu'aux min. 1:29ss diverses scènes de violences, comprenant notamment:
- des scènes de mutilation: plusieurs mains sont tranchées,
- la chute d'un homme, encore vivant les mains attachées, poussé d'une tour,
- d'une décapitation,
- de l'exécution de quatre prisonniers en combinaison orange d'une balle dans la tête tirée par des hommes au visage couvert habillé entièrement de noir, vraisemblablement des membres de l'organisation «Etat islamique»
et se termine sur diverses scènes en gros plan de leur cadavre se vidant de leur sang,
sur Ies paroles de la lumière sur Abu Mus'ab Az-Zarqaoui, dirigeant de l'organisation prédécesseur de l'organisation «Etat islamique», dans laquelle il déclare que tous ceux qui obstruent cet objectif sont des ennemis (IMG_20200919_212534_699.mp4; c35ff50-84e0-4057-8252-6ad9113660f2.mp4)»
3.6.7.3 La vidéo a été ainsi résumée par la PJF dans le cadre de l'audition de B.:
lntroduction: Au nom d'Allah le Miséricordieux, et le Bienfaiteur. Les Paroles de Lumière. Shejh Ebu Musab ez-Zarkavi- puisse Dieu l'agréer-: “Nous ne faisons pas le Djihad pour une poignée de sable ou pour les frontières supposées dessinées par Sykes et Picot. On ne fait pas non plus le Djihad pour remplacer le Mécréant occidental avec le Mécréant arabe. Mais notre Djihad est plus digne et plus élevé. Nous faisons le Djihad afin que la parole d'Allah soit la plus élevée et que l'adoration n'appartienne qu'à Allah, toute entière: Et combattez-les jusqu'à ce qu'il ne reste plus d'idolâtre, et qu'on n'adore plus d'autre à part Allah.” (Enfal: 39). Et quiconque s'élèvera en ennemi contre cet objectif, on lui fera barrage, est notre ennemi et la cible de nos épées, quel que soit son nom ou son origine. Oui, vraiment, nous avons une religion que Dieu a fait descendre sur terre comme juge et comme mesure. Sa proclamation est définitive et son jugement n'est pas pour rire. Lui, il est le lien qui subsiste entre nous et les gens. C'est pour cela que les mettre avec lesquels nous mesurons sont - Dieu soit loué - de nature divine, (image: deux personnes agenouillées, aux visages couverts; près de l'une d'entre elles se tient un homme portant un sabre; une autre image fait irruption: un homme aux mains liées est jeté d'en haut d'un bâtiment et s'écrase par terre, sous les yeux de la foule; reprise de la scène précédente: focus sur l'exécution par décapitation d'un homme; en arrière-plan: des hommes habillés en blanc, barbus, aux cheveux longs, l'un d'entre eux porte un micro sur lequel il semble crier l'ordre/le signal pour procéder à l'exécution. Ces scènes sont très rapides) nos verdicts sont basés sur le Coran et nos jugements se font selon la prophétie (Image: renversement d'une croix d'une coupole). Le Musulman américain est notre frère bien-aimé, et le mécréant arabe: notre haïssable ennemi, quand bien même nous sommes de la même matrice! (Image: scène précédant une exécution: un homme armé, le visage couvert en niqab, parle en brandissant un pistolet; devant lui des hommes agenouillés, habillés en civils, la tête légèrement baissée; à ses côtés: d'autres hommes armés, portant aussi des niqabs). (Scène finale: exécution par pistolet de quatre hommes; focus de la caméra sur leurs têtes s'écrasant par terre, le sang coulant de leur fronts troués par balles) (TPF 3.510.395).
3.6.7.4 La PJF précise que la vidéo consiste en un montage de séquences vidéo, soit, en début de vidéo, des images de combattants et d'activités vraisemblablement attribuables à l'Etat islamique, ainsi que de politiciens et de groupes armés considérés comme ennemis par l'Etat islamique, puis, à la fin, des images de punitions et d'exécutions. Le fond sonore est un discours de Mus'ab al-Zarqawi, en arabe, sous-titré en albanais, dans lequel il déclare que l'objectif du djihad armé n'est pas de simplement remplacer un tyran occidental par un tyran arabe ou de revenir aux frontières dessinées par les pouvoirs impérialistes, mais de lutter pour que la parole de Dieu soit au-dessus de toutes et que la religion d'Allah soit au-dessus de toutes, ajoutant que ceux qui obstruent cet objectif sont des ennemis et que leurs actes correspondent aux prescriptions religieuses. De plus, la vidéo a été produite par AlFurat Media Center (aussi appelé Furat media Foundation), une agence médiatique affiliée à l'Etat islamique, en 2015. La PJF conclut que «tant le contenu que la source de la vidéo permettent de l'identifier comme une vidéo de propagande produite par un organe médiatique de l'EI (soit Etat islamique)» (10-01-0144 s.).
3.6.7.5 Lors de sa première audition, la prévenue a indiqué ne pas pouvoir répondre sur la façon dont elle s'est elle-même procuré cette vidéo, ne rien en penser, et avoir adressé cette séquence à B. «juste pour qu'elle puisse la regarder» (13-01-0026). Elle a ensuite déclaré ne pas savoir qui s'exprimait dans la vidéo, mais savoir qu'elle contient une traduction et l'avoir peut-être envoyée à B. «avec l'idée d'envoyer une telle vidéo avec une traduction». Elle pense avoir reçu la vidéo par Telegram, sans pouvoir indiquer qui la lui aurait envoyée. Concernant les actes de violence de cette vidéo, la prévenue a déclaré ne pas pouvoir dire que ce genre de chose lui plaisait et qu'«il y a eu des choses vraiment extrêmes» (13-01-0064 s.). Lors de son audition finale par le MPC, la prévenue a ajouté que la personne jetée d'un immeuble a été condamnée à mort selon les règles de l'islam car il s'agit d'une personne «qui collabore avec des diables», qui fait des «actes de superstition et de magie», or la magie est interdite dans l'islam (13-01-0093). Devant la Cour des affaires pénales, A. a déclaré que cette vidéo montre «leur lutte, la guerre». Interrogée sur les raisons de l'envoi de cette vidéo à B., la prévenue a répondu «pour qu'elle puisse voir, entendre de quoi ils parlent et pourquoi ils luttent», puis s'est dit étonnée de l'avoir envoyée à son amie. Quant aux exécutions représentées à la fin de la vidéo, elle indique ne pas être d'accord avec le terrorisme et le fait de «tuer quelqu'un pour rien» (TPF 3.731.031).
3.6.7.6 La destinataire de la vidéo, B., a déclaré ignorer avoir vu cette vidéo, ajoutant qu'A. a dû la lui envoyer sans qu'elle-même n'en prenne connaissance. Elle qualifie ce contenu d'effroyable (TPF 3.510.376).
3.6.7.7 La Cour constate que le drapeau de l'Etat islamique apparaît plusieurs fois dans la vidéo – au demeurant de très bonne qualité. La vidéo est en outre produite par un organe médiatique affilié à cette organisation, dont le logo apparaît tout au long de la vidéo. Aussi, les images filmées – qui correspondent parfaitement au type de violence exercée par l'Etat islamique – illustrent exactement le texte de la vidéo. La Cour se rallie ainsi au raisonnement de la PJF et retient que cette vidéo constitue de la propagande pour l'Etat islamique.
3.6.7.8 Quant à la qualification de l'envoi de cette vidéo comme diffusion de propagande pour une organisation interdite, la Cour relève que, comme dans les autres cas, la vidéo a été partagée hors de tout contexte, sans message d'avertissement du contenu qui suivrait. Il doit ainsi être retenu que ce partage contribue à promouvoir l'organisation Etat islamique ou ses objectifs (cf. consid. 3.5.7 supra). Partant, le comportement punissable de diffusion de propagande pour un groupe visé par la LAQEI est réalisé sur le plan objectif.
3.6.7.9 L'envoi de la vidéo reproché au chiffre 1.1.1.7 de l'acte d'accusation constitue objectivement une action de propagande conformément à l'art. 2 LAQEI.
3.6.8 Chef d'accusation 1.1.2.5
3.6.8.1 Il est reproché à A. d'avoir envoyé des images se rapportant au Mozambique à C. par message du 22 septembre 2020 sur l'application Whatsapp (chef d'accusation 1.1.2.5).
3.6.8.2 Le MPC décrit ainsi les images:
«Une carte du Mozambique flanquée de drapeaux noirs avec un texte en albanais dont la traduction est «Explication d'où se trouvent Ies Mujahideens de I'«Etat islamique» autour de I'armée du Mozambique» (IMG-20200922-WA0009)
Diverses images, dont deux cartes du Mozambique flanquées de drapeau, dont certains sont ceux de l'organisation «Etat islamique» (notamment IMG-20200922-WA0009, IMG-20200922-WA0018).»
3.6.8.3 La PJF a précisé que le Mozambique était en proie à des combats sanglants et qu'il s'agissait alors, au moment du rapport, de la région la plus récente à avoir prêté allégeance à l'Etat islamique (05-00-0003; 10-01-0030).
3.6.8.4 Interrogée sur l'image IMG-20200922-WA0009, A. a déclaré, après un long silence, qu'il s'agit du fait qu'«ils», (vraisemblablement ISIS, Islamic State of Irak and Syria) «à en juger par les drapeaux noirs», sont entrés dans les Etats d'Afrique. Elle a déclaré ne pas pouvoir expliquer pour quelle raison son mari lui avait envoyé cette image (13-01-0027 s.). Elle-même a répondu Elhamdullilah à l'envoi de son mari, soit, selon sa traduction, «le remerciement va à Allah». Interrogée sur cette réponse à connotation positive à une image de zone frappée par les terroristes, la prévenue explique que «pour tout ce qui arrive, que ce soit bon ou mauvais, on remercie Allah. Le musulman ne désespère pas et remercie toujours Allah» (13-01-0028). Dans le même sens, elle déclare que sa réponse «Allahu Ekber» (Dieu est grand) en lien avec les territoires du Mozambique occupés par l'Etat islamique n'a pas une signification particulière (13-01-0028). Quant à la situation au Mozambique, la prévenue a déclaré savoir «qu'il y a la guerre, sans plus» et avoir simplement échangé quelques mots à ce sujet avec son mari (13-01-0059 s.). Elle a refusé de se déterminer sur ces images lors de son audition finale par le MPC (13-01-0096).
3.6.8.5 C. a, pour sa part, déclaré avoir fait ces captures d'écran (soit les images en question) depuis l'application Facebook et les avoir envoyées à son épouse pour conserver l'information. Les réponses de son épouse correspondraient uniquement au fait qu'elle savait qu'il s'agissait d'une sauvegarde de l'information; C. pense qu'elle plaisantait en répondant «qu'Allah leur accorde des victoires suivantes» (TPF 3.510.0075 s.).
3.6.8.6 Tant les réponses d'A. que de son époux indiquent que l'envoi a été effectué par C. à son épouse, et non l'inverse. Il ressort en effet du rapport d'exploitation du téléphone de la prévenue que cette dernière a réagi à ces images par «Dieu soit loué» et «qu'Allah leur accorde des victoires consécutives», puis, face à l'incompréhension de son mari, elle a ajouté «qu'Allah leur donne plus de victoire pour sa cause» (10-00-0030). Cela est confirmé par la retranscription des messages émis du téléphone de la prévenue (Beilage 1 - 17560 A6 Chat1Excel/Chat0072), ainsi que la retranscription des messages émis du téléphone de son mari (Beilage 1 - 17590 A6+_Chat/Excel/Chat0038), étant précisé que les numéros d'images auxquels se réfère le MPC correspondent nécessairement à ceux issus de la retranscription des messages du téléphone de C. puisque, d'une part, le rapport de la PJF se réfère à cette seconde source (10-01-0031), et, d'autre part, l'image IMG-20200922-WA0009 n'apparaît pas dans la retranscription du téléphone de la prévenue.
3.6.8.7 Ainsi, puisque la seule réception de contenu à caractère de propagande n'est pas punissable, malgré l'expression d'une réaction positive à ce média, la prévenue doit être acquittée de ce chef d'accusation et la question de savoir si les contenus en question constituent de la propagande pour une organisation interdite peut rester ouverte.
3.6.8.8 Partant, A. est acquitté du chef d'accusation 1.1.2.5.
3.6.9 Chef d'accusation 1.1.4
3.6.9.1 Il est reproché à A. d'avoir, le 6 mai 2018, partagé via l'application Viber, sur un groupe composé de sept participants, deux communiqués de presse de l'organisation «Etat islamique», en albanais, relatant notamment le nombre de «sœurs» libérées de l'armée syrienne et de kurdes en échange de cadavres.
3.6.9.2 Le premier texte est traduit comme suit: «Ces derniers mois, les Frères ont libéré plus de 300 sœurs de l'Armée Syrienne (Bashar) en Syrie, en échange des cadavres des Nussayiris. La nouvelle n'a pas été transmise par les Frères eux-mêmes mais par d'autres. Une des raisons pour lesquelles l'Etat ne dit pas/ne publie pas certains évènements – comme cette joyeuse nouvelle – est que, par exemple, il est possible que pendant les négociations (les accords) l'autre partie leur demande de ne pas rendre ça publique de manière formelle, étant donné qu'il s'agit – comme c'est le cas de ce dont on parle – d'un honneur pour les Frères et d'une humiliation pour les autres. Ainsi, l'Etat voit cela plus utile de libérer les prisonniers (surtout les sœurs) et de ne pas le faire savoir officiellement/mondialement (sic.)».
Le second texte a été traduit ainsi: «Plus exactement, selon les chiffres (publiés non par l'Etat), ont été libérées: - à Jermuk, 126 sœurs pour 74 cadavres des Nussayiris, - il y a 5/6 jours: 70 sœurs des Kurdes, - et aussi, avant elle, à Jermuk: 150 sœurs des Nussayiris. Et la louange appartient à Allah, le Tout-Puissant, le Sage, qui rend les pièges aux piégeurs (sic.)» (10-01-0122 s.).
3.6.9.3 La PJF relève que le groupe sur lequel ont été partagé les contenus a été ouvert par A.c. (pseudonyme d'A. sur l'application Viber; 10-01-0117) et a pour objectif d'organiser des rencontres hebdomadaires pour l'étude du coran. Ce groupe est, entre autres, utilisé pour communiquer sur l'organisation des rencontres et poster du contenu sur l'islam (10-01-0121 ss).
3.6.9.4 Interrogée sur l'envoi de ces communiqués, A. a déclaré, après avoir demandé à les consulter (en albanais), que «Bachar a tué des musulmans», puis que les Kurdes ne font pas partie de l'Etat islamique, que c'est toujours une joie quand des sœurs musulmanes sont libérées et que celui qui ne se réjouit pas d'une telle libération est un hypocrite (13-01-0097). Interrogée par la Cour, la prévenue a déclaré que ce texte porte sur la libération de sœurs musulmanes de l'armée de Bashar, qu'elle qualifie de terroriste, et a expliqué que, selon elle, les Nussayiris – dont il est question dans le texte – sont les chiites de Bashar. En revanche, elle a déclaré ne pas savoir de quel Etat il est question dans ce texte, de qui émane ce texte, ni comment elle en a elle-même pris connaissance de ce texte (TPF 3.731.031)
3.6.9.5 La source des textes partagés par A. n'a pas été identifiée. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que les textes incriminés seraient des communiqués de presse émanant de l'Etat islamique, étant précisé que la PJF se contente à cet égard d'affirmer: «le 6 mai 2018, A.c. poste dans le groupe des messages qui semblent être des communiqués de presse» (10-01-0122). La prévenue a uniquement indiqué que des «sœurs musulmanes» ont été libérées par l'armée de Bashar et a identifié les Nussayiris comme étant les membres de l'armée syrienne. L'utilisation des termes «Etat», «frères» et «sœurs» ne permet pas en soi de rattacher avec une certitude suffisante ces communiqués à l'Etat islamique – ou à une autre organisation au sens de l'art. 1 LAQEI. Partant, en l'absence de lien clairement établi avec une organisation visée par l'art. 1 LAQEI, ces contenus ne sont pas constitutifs de propagande en faveur d'un groupement interdit et leur partage ne fonde aucune infraction.
3.6.9.6 Au vu de ce qui précède, A. est acquittée de diffusion de propagande pour les faits visés au chiffre 1.1.4 de l'acte d'accusation.
3.6.10 Chef d'accusation 1.1.5
3.6.10.1 Il est reproché à A. d'avoir, le 14 juin 2018, partagé sur un groupe de huit participants, via l'application Viber, un texte d'un cheikh relatant le courrier de «sœurs musulmanes» manifestant leur désir ardent de partir faire le djihad et de mourir dans le chemin d'Allah.
3.6.10.2 Le texte a été traduit de la manière suivante: «Une sœur s'est approchée de moi et m'a dit: Je veux votre adresse e-mail, nous avons un message pour vous. (...) Je l'ai lu et j'ai commencé à avoir honte de mon égo. (…) J'ai prié en tombant à genoux et j'ai remercié Allah (…) que nous avons des jeunes sœurs comme elles. (…) voici quel était leur message: O' Sheikh, faisons court et n'entrons pas dans les détails, notre problème est que nous sommes des filles! Mais nous ne sommes pas comme les autres filles! Nos préoccupations sont différentes des leurs… Notre préoccupation est de voir le drapeau La Ilahe Ila Allah élevé sous l'ombre de l'épée! La mort est, pour nous, la vie, et la vie, pour nous, c'est le Djihad dans le chemin d'Allah! Notre plus grand désir …, la mort et l'état de shehid! Nous ne vivons pas avec vous, même si on est parmi vous! Quand nous écrivons, nous ne voulons pas être consolées pour la Communauté profondément blessée! Nous ne voulons pas des louanges et des applaudissements, car chacun se nous connaît soi-même (sic.)! Nous écrivons parce que nous voulons être en chemin pour le Djihad! (…) Ne nous dites pas: Vous êtes des femmes! parce que nous savons cela! Nous sommes des femmes avec des âmes d'hommes! Les hommes n'acceptent pas la honte et l'échec! Ne nous dites pas: Votre Djihad est le Hadj et l'Umra! nous languissons de plus! Nous languissons de mourir dans le chemin d'Allah! De déposer nos âmes, ce que nous avons de plus cher, dans le chemin du plaisir de notre Dieu! (…) Nous savons que sa Miséricorde pour les shehids de ERRAHMAN (Le Miséricordieux). Nous languissons d'être avec eux et parmi eux!» (10-01-0120 s.).
3.6.10.3 La PJF a relevé que le groupe Viber sur lequel le contenu a été partagé a été crée par A.c. (pseudonyme d'A. sur l'application Viber; 10-01-0117). Y est posté du contenu sur l'islam, comme en l'occurrence le texte d'un cheikh qui relate le courrier que lui ont adressé des sœurs musulmanes (10-01-0120 s.).
3.6.10.4 Devant le MPC, A. a déclaré ne pas se souvenir de ce texte et de cet envoi, même lorsque le texte lui a été présenté. Elle a dit trouver cet envoi «surprenant». Elle a rappelé qu'il faut «se référer surtout aux dires d'Allah et aux actes des messagers d'Allah» (13-01-0097 s.). Lors de son audition par la Cour des affaires pénales, la prévenue a encore une fois nié cet envoi. Elle a décrit le contenu du texte comme s'agissant d'une femme qui veut mourir et partir chez Allah, puis a précisé que la guerre n'est pas obligatoire pour les femmes, que celles-ci doivent mener leur guerre par hadj et umra. Elle a déclaré ne pas être en mesure d'identifier le groupe armé auquel les femmes du texte voulaient participer activement (TPF 3.731.032).
3.6.10.5 Ni la source du texte, ni le cheikh à l'origine de cet écrit n'ont été identifiés. S'il est manifeste que ce contenu porte sur le djihad, le lien avec un groupe déterminé ne peut pas être établi. La seule mention du «drapeau La Ilahe Ila Allah», sans plus de précisions, ne permet pas de rattacher sans équivoque le texte litigieux à un groupe djihadiste déterminé. Ainsi, dès lors que la propagande du djihadisme n'est pas en elle-même répréhensible, la prévenue doit être acquittée de ce chef d'accusation.
3.6.10.6 Partant, A. est acquittée des faits reprochés sous chiffre 1.1.5 de l'acte d'accusation.
3.6.11 Chef d'accusation 1.1.6
3.6.11.1 Il est reproché à A. d'avoir envoyé à G., le 2 juillet 2018, via l'application Viber, une fatwa de l'organisation «Etat islamique» représentant une prise de position en faveur de l'organisation.
3.6.11.2 La fatwa est traduite ainsi: «Le jugement concernant les groupements qui sont en train de combattre l'Etat islamique! (…): Ces derniers temps, nous avons reçu des questions concernant la position formelle de l'Etat islamique sur les groupements qui combattent l'Etat islamique dans les villages au nord de Haleb et d'autres endroits, surtout des groupements qui lèvent des drapeaux et des slogans islamiques et qui revendiquent le Djihad. Nous voulons que cela soit clair que le point de vue de l'Etat islamique en lien avec la place de ces groupements est que ces derniers sont des groupements qui ont abandonné la religion d'Allah et ont commis de nombreux actes qui ont annulé les fondements de la religion. Un de ces actes est le fait de combattre un Etat qui juge selon la Charia d'Allah, étant donné que ces groupements sont dans la fosse et en coalition avec d'autres groupements qui ont résisté à l'implémentation de la Charia et ont déclaré leurs efforts de construire un Etat démocratique, civil et pluraliste, qui enlève la loi d'Allah des terres de l'Etat islamique et le remplace avec des lois de l'ignorance. Tout cela est fait avec le support et l'aide directe aérienne de la coalition chrétienne, conduit de l'Amérique, qui ne fait que tenter de détruire les missions du Caliphat (sic.). {Il vous a été déclaré dans le livre (le Coran) que quand vous entendrez que le Coran est en train d'être nié et d'être moqué, vous ne resterez pas avec eux (…) sinon vous serez comme eux. Allah rassemblera les traîtres et incroyants en enfer.} [En- Nisa 140] Celui-ci est la décision d'Allah par rapport à celui qui reste assis avec les incroyants et ne s'en sépare pas ou ne les dénonce pas quand ils commettent le Kufr' et se moquent de la parole d'Allah. Alors, qu'en sera-t-il de celui qui combat à leurs côtés, qui les soutient et les supporte contre les musulmans qui régnaient sur la terre d'Allah avec ce qu'Allah avait fait descendre. Celle-ci est une décision claire dont nous n'avons aucun doute, construite sur la clarté, ce sont des réalités claires jamais touchées par des interprétations corrompues ou par des prétentions de la réalité contredite. Nous prions Allah pour qu'il rejette le complot des incroyants, qu'il défasse leur union, qu'il sépare leur église, et qu'il soutienne l'Etat islamique contre eux. Qu'Allah vous récompense. Fatwa de l'Etat islamique» (10-01-0118 s.).
3.6.11.3 Interrogée sur cette fatwa par le MPC, la prévenue a refusé de répondre (13-01-0098). Devant la Cour, A. a déclaré ne pas se rappeler de cette fatwa, ne pas se rappeler comment elle en aurait pris connaissance, ne pas se rappeler l'avoir adressée à G. et ne pas avoir voulu montrer une image positive de l'Etat islamique (TPF 3.731.033).
3.6.11.4 Bien que la source exacte de la fatwa ne soit pas connue, le lien avec l'Etat islamique ressort de manière manifeste de son contenu, qui est une prise de position, de l'Etat islamique, hostile aux groupements qui le combattent. Le caractère de propagande pour un groupe interdit est ainsi établi.
3.6.11.5 Cet envoi, hors de toute contextualisation, d'un texte aussi fermement en faveur de l'Etat islamique remplit sans conteste l'élément constitutif objectif de la diffusion de propagande (cf. consid. 3.5.7 supra).
3.6.11.6 Par le fait d'avoir partagé le texte visé aux chiffres 1.1.6 de l'acte d'accusation, la prévenue a objectivement réalisé le comportement d'action de propagande de l'art. 2 LAQEI.
3.7 Intention ou dol éventuel
3.7.1 Il ressort des déclarations de la prévenue qu'elle savait parfaitement ce qu'est l'organisation «Etat islamique» et que ce groupement menait des actions terroristes (cf. consid. 3.5.3 supra). Il est également établi, pour les chefs d'accusation dont il a été reconnu qu'il s'agit de comportements objectivement constitutifs d'action de propagande, que la prévenue comprenait le sens des contenus envoyés et devait, au vu de ses connaissances et de la médiatisation importante de l'Etat islamique, rattacher lesdits contenus à ce groupement.
3.7.2 A. a partagé les contenus incriminés avec des personnes proches d'elles, avec lesquelles elle entretenait des conversations régulières. En leur envoyant des vidéos et autres contenus par messages individuels elle savait et voulait que ces contenus arrivent dans la sphère d'influence de ses destinataires et qu'ils en prennent connaissance. Comme établi ci-dessus, la thèse d'un envoi à pure vocation informative ne peut être suivie, vu l'absence totale de contextualisation des envois. Ainsi, même s'il ne peut être établi avec certitude que l'expéditrice entendait, par ses actes, promouvoir activement l'idéologie et les actions violentes de l'Etat islamique, à tout le moins acceptait-elle l'idée que ses contacts puissent être convaincus par les idées promues dans les contenus envoyés. Sur ce point, peu importe que ses destinataires aient eux-mêmes déjà été favorables à l'Etat islamique ou non, ce qui n'est pas établi en l'espèce, dès lors que les contenus transmis étaient de nature, si ce n'est à les convaincre, à tout le moins à renforcer l'image positive de cette organisation.
3.7.3 Dès lors que les comportements décrits aux chiffres 1.1.1.2, 1.1.1.3, 1.1.1.5, 1.1.1.6, 1.1.1.7, 1.1.2.1, 1.1.2.3, 1.1.2.4, 1.1.3 et 1.1.6 sont objectivement constitutifs de propagande (cf. consid. 3.6.2, 3.6.3, 3.6.5, 3.6.6, 3.6.7 et 3.6.11 supra), et en l'absence de tout élément indiquant que la prévenue se serait distancée des contenus partagés et des idées ainsi propagées, il doit être retenu que celle-ci s'est à tout le moins accommodée du risque de renforcer un groupement visé par l'art. 1 LAQEI. L'infraction d'action de propagande de l'art. 2 LAQEI est dès lors réalisée par dol éventuel.
3.8 Culpabilité
3.8.1 Au vu de ce qui précède, A. est reconnue coupable d'action de propagande, au sens de l'art. 2 LAQEI, pour les chefs d'accusation 1.1.1.2, 1.1.1.3 et 1.1.2.1, 1.1.1.5 et 1.1.2.3, 1.1.1.6, 1.1.2.4 et 1.1.3, 1.1.1.7, et 1.1.6. S'agissant d'envois multiples, toujours dans le cadre de la propagande pour une même organisation terroriste, l'Etat islamique, le comportement répréhensible est réalisé une seule fois. Le nombre d'envois sera toutefois pris en considération dans la fixation de la peine (cf. consid. 5 infra).
3.8.2 Le comportement répréhensible n'étant pas réalisé sur le plan objectif, la prévenue est acquittée des comportements reprochés aux chefs d'accusation 1.1.1.1, 1.1.1.4 et 1.1.2.2, 1.1.2.5, 1.1.4 et 1.1.5.
4. Représentation de la violence
4.1 En droit
4.1.1 Aux termes de l'art. 135 CP, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui aura fabriqué, importé ou pris en dépôt, mis en circulation, promu, exposé, offert, montré, rendu accessibles ou mis à disposition des enregistrements sonores ou visuels, des images, d'autres objets ou des représentations qui illustrent avec insistance des actes de cruauté envers des êtres humains ou des animaux portant gravement atteinte à la dignité humaine, sans présenter aucune valeur d'ordre culturel ou scientifique digne de protection (al. 1). Celui qui aura acquis, obtenu par voie électronique ou d'une autre manière ou possédé des objets ou des représentations visées à l'al. 1, dans la mesure où ils illustrent des actes de violence contre des êtres humains ou des animaux, sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou de l'amende (al. 1bis).
4.1.2 Le législateur a estimé que «les représentations de la brutalité peuvent heurter à l'excès le sens moral ou – ce qui est plus grave – influencer le comportement, des jeunes en particulier, d'une manière néfaste à la fois pour eux et pour la société», de telle sorte qu'il est à craindre que «[cela] n'ait pour effet d'inciter à un comportement grossier et brutal envers d'autres êtres humains» (Message concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire [infractions contre la vie et l'intégrité corporelle, les mœurs et la famille] du 26 juin 1985 FF 1985 II 1021, p. 1059 s.). Cette disposition tend ainsi principalement à protéger la jeunesse, mais également à prévenir des actes de violence, dont la gravité aurait été minimisée par la banalisation de leur représentation, qui augmente le risque de désinhiber les spectateurs et accroître leur disposition à agir eux-mêmes ou accepter ces faits avec indifférence (arrêt du Tribunal fédéral 6B_149/2019 du 11 décembre 2019 consid. 1.3.2 et les références citées; jugement de la Cour d'appel CA.2020.16 du 23 août 2021 consid. 1.3.3; Ros, Commentaire romand du CP II, 1ère éd. 2017, no 3 ad art. 135 CP; Dupuis et al. [éd.], Petit commentaire du code pénal, 2e éd. 2017, no 2 ad art. 135 CP).
4.1.3 Cette disposition pénale vise toutes les formes de supports sonores et/ou visuels qui fixent un contenu illustrant des actes de violence illicites, sauf les écrits (Dupuis et al. [éd.], op. cit., no 3 ad art. 135 CP). Que les vidéos soient ou non accompagnées de bande sonore est indifférent (Ros, op. cit., no 37 ad art. 135 CP). Toutefois, la nature du support doit être prise en considération dans l'examen de l'illicéité de la représentation, de simples images devant par exemple présenter une violence plus intense que des séquences vidéos (jugements de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 4.5.1, SK.2019.49 du 3 septembre 2020 consid. 8.6 s., SK.2018.8 du 7 novembre 2018 consid. 3.5.7 s.).
4.1.4 Sont des représentations illicites de la violence les contenus qui montrent des actes de cruauté envers des êtres humains ou des animaux, avec un caractère insistant, de sorte à porter gravement atteinte à la dignité humaine, pour autant que le contenu n'ait pas une valeur culturelle ou scientifique digne de protection (art. 135 al. 1 CP).
4.1.4.1 Par «acte de cruauté» on entend le fait d'infliger, par la violence, des souffrances physiques ou psychiques aiguës, avec une intensité et une brutalité particulières. Les moyens employés ou la motivation de l'acte n'importent pas (Dupuis et al. [éd.], op. cit., no 4 ad art. 135 CP). Seules sont illicites les représentations susceptibles d'exercer sur le spectateur un effet négatif, à l'exclusion des actes de violence anodins. Un acte de violence est jugé cruel si, dans la réalité, il causerait à la victime des souffrances particulièrement graves de nature physique ou psychique, et que l'acte exprime un mépris extrême pour la vie ou la souffrance humaine ou animale. La forme que prend la violence est indifférente; seul le sentiment de cruauté dans la manière dont sont exécutés les actes importe. Ainsi, la cruauté peut ressortir du plaisir éprouvé par celui qui inflige la souffrance, voire de la gratuité desdits actes (Ros, op. cit., no 47 ss ad art. 135 CP). Il y a cruauté psychique lorsque celle-ci peut être rattachée aux supplices physiques qui en sont à l'origine (Ros, op. cit., no 55 s. ad art. 135 CP et les références citées).
4.1.4.2 La représentation de la violence revêt un caractère insistant lorsqu'elle paraît réaliste et subjective, de telle manière à heurter le spectateur et à rester gravée dans sa conscience (Dupuis et al. [éd.], op. cit., no 8 ad art. 135 CP). L'insistance d'un acte s'examine sous l'angle de l'intensité des actes perpétrés, de leur durée, de la manière dont ils sont accomplis et des éléments émotionnels et psychologiques qui ressortent de l'acte, soit notamment la vulnérabilité particulière de la victime qui implore son bourreau ou l'action méthodique et de sang-froid de ce dernier (Ros, op. cit., no 52 ad art. 135 CP). Le caractère insistant de la violence peut notamment ressortir de la mise en évidence de détails particuliers, de l'usage de gros plans ou autres cadrages particuliers, de la répétition de scène ou des fortes réactions émotionnelles déclenchées sur le spectateur – telles la peur, le dégoût, l'horreur ou l'aversion –, de la gratuité de l'acte perpétré contre une personne dans l'incapacité de se défendre, de l'acharnement, du caractère dégradant de l'acte, du sadisme ou de la systématique du bourreau, de la position non-naturelle du corps évoquant d'intenses souffrances, de la préparation qu'a impliqué la commission des actes, du son des coups (jugement de la Cour d'appel CA.2020.16 du 23 août 2021 consid. 1.3.5; jugements de la Cour des affaires pénales SK.2019.49 du 3 septembre 2020 consid. 8.1 à 8.5, SK.2018.8 du 7 novembre 2018 consid. 3.5.1 à 3.5.6; Dupuis et al. [éd.], op. cit., no 8 ad art. 135 CP; Ros, op. cit., no 51 ad art. 135 CP). Est également important le caractère réaliste et suggestif de la représentation, qui doit dénoter une froideur particulière et être de nature à rester ancré dans la mémoire du spectateur (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2019.49 du 3 septembre 2020 consid. 6.3.3). Un contenu irréaliste ou exagéré ne présente pas l'insistance nécessaire pour constituer un acte de violence illicite, de même qu'un film présentant des scènes de violence très courtes, avec de nombreuses coupures, dont les images sont peu reconnaissables ou une mauvaise qualité d'image. Par contre, la présence d'éléments satiriques ou une réalisation peu professionnelle n'empêchent pas de retenir le caractère illicite de la représentation (Dupuis et al. [éd.], op. cit., no 8 ad art. 135 CP; Ros, op. cit., no 53 ad art. 135 CP). Des représentations d'actes correspondant à certaines infractions – notamment la forme aggravée du vol (art. 140 al. 4 CP), l'enlèvement et la séquestration (art. 184 CP), la prise d'otage (art. 185 CP), la contrainte sexuelle (art. 189 CP), le viol (art. 190 CP), les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre (art. 264a, 264e, 264f et 264g CP) – doivent généralement être considérées comme illicites. De même, sont généralement caractéristiques des représentations de la violence visées par l'art. 135 CP les exécutions, les fusillades, les décapitations, les massacres, les égorgements, la profanation de cadavre, les coups, les coupures, les perforations, les brûlures, l'utilisation de produits chimiques et les chocs électriques, en particulier lorsque la victime n'est pas en mesure d'opposer de la résistance (jugement de la Cour d'appel CA.2020.16 du 23 août 2021 consid. 1.3.5 et les références citées; jugement de la Cour des affaires pénales SK.2007.4 du 21 juin 2007 consid. 6.2.1). L'insistance peut ressortir de la connotation à un groupement interdit étant donné la volonté de ces organisations d'inciter à la violence, la propagande de groupements tels Al-Qaïda ou l'Etat islamique s'appuyant principalement sur la diffusion dans l'espace virtuel d'images d'atrocités. Ainsi, des représentations de résultats d'actes de violence ou de morts violentes exhibés dans un objectif de glorification de groupements interdits peuvent remplir le critère d'instance de l'art. 135 CP (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 4.2.2). Par ailleurs, la manière dont le prévenu qualifie les contenus incriminés constitue un indice supplémentaire de l'intensité de la violence représentée (jugement de la Cour d'appel CA.2020.16 du 23 août 2021 consid. 1.3.9).
4.1.4.3 Il y a atteinte à la dignité humaine lorsque l'être humain est visé au cœur même de sa personnalité, que son existence même et ses droits les plus fondamentaux sont bafoués, notamment lorsque l'humain est représenté comme un simple objet sans dignité ni valeur (Ros, op. cit., no 60 s. ad art. 135 CP et les références citées). L'utilisation d'images violentes associées à de la propagande pour des groupements interdits tels Al-Qaïda ou l'Etat islamique constitue une atteinte à la dignité humaine, puisqu'elle réduit des êtres humains à de simples objets de propagande ou de guerre virtuelle (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 4.2.2).
4.1.4.4 Finalement, une représentation de violence n'est illicite qu'en l'absence de valeur culturelle ou scientifique digne de protection. Le caractère digne de protection s'examine du point de vue d'un spectateur ouvert aux différentes formes d'expression artistique, dans le cercle visé par ladite représentation (ATF 131 IV 64 consid. 10.1.3). Il ne peut être retenu de valeur digne de protection lorsque les contenus ont pour unique objectif l'apologie ou la banalisation de la violence, ou le divertissement du public. L'absence d'intérêt digne de protection doit toutefois être manifeste; en cas de doute, l'illicéité doit être déniée (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2019.49 du 3 septembre 2020 consid. 6.3.6). Même lorsqu'elles proviennent originellement de sources à caractère scientifique, les représentations ne sont pas dignes de protection lorsqu'elles sont présentées hors de leur contexte initial, sans lien avec celui-ci (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2019.38 du 26 juin 2020 consid. 6.1.3). Par contre, des images imprécises d'assassinat de civils dont on ne peut exclure qu'elles soient assimilables à celles d'un reportage de guerre, des images de cadavres défigurés se référant à un fait d'actualité visant à dénoncer une action de la police ou des images d'assassinat reprises d'un reportage officiel n'ont pas été considérées comme illicites, car elles pouvaient relever de l'illustration de faits d'actualité (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2007.4 du 21 juin 2007 consid. 6.2.4 à 6.2.6).
4.1.5 L'art. 135 CP, à ses alinéas 1 et 1bis, réprime différents comportements en relation avec la représentation de la violence. La simple consommation de représentation de la violence est quant à elle licite (Ros, op. cit., no 33 ad art. 135 CP, Dupuis et al. [éd.], op. cit., no 18 ad art. 135 CP).
4.1.5.1 A son alinéa premier, l'art. 135 CP réprime les actes suivants: fabriquer, importer, prendre en dépôt, mettre en circulation, promouvoir, exposer, offrir, montrer, rendre accessible et mettre à disposition. La fabrication englobe la copie ou la reproduction des représentations. L'enregistrement sur le disque dur d'un ordinateur personnel, un CD-Rom ou un autre support de données, effectué de manière ciblée et destiné à durer un certain temps, est considéré comme acte de fabrication. Le downloading est aussi compris dans la notion de fabrication, puisqu'il s'agit de télécharger un contenu à partir d'internet ou d'un support de données sur une autre mémoire de données. La manière dont sont effectués la copie ou le téléchargement est sans incidence sur la réalisation de l'infraction; seules sont prises en considération les circonstances de la reproduction et la copie qui en résulte (ATF 131 IV 16 consid. 1.4). Pour être considéré comme fabrication, le downloading suppose un acte d'acquisition conscient, l'action de télécharger étant effectuée volontairement par l'auteur (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 4.2.3).
4.1.5.2 Quant à l'art. 135 al. 1bis CP, y sont réprimées l'acquisition, l'obtention par voie électronique ou d'une autre manière ainsi que la possession de représentation de la violence. La possession suppose la maîtrise physique directe ou indirecte et la volonté d'exercer cette maîtrise. L'incrimination du fait d'acquérir ou obtenir sont des variantes du comportement typique qui permettent d'établir la possession (Ros, op. cit., no 30 ss ad art. 135 CP, Dupuis et al. [éd.], op. cit., no16 s. ad art. 135 CP). La possession d'un contenu informatique est possible. C'est notamment le cas lorsque le contenu se trouve sur le support de l'auteur. Il y a aussi possession de celui qui a l'usage exclusif d'une partie du support, tel le titulaire d'un compte de messagerie sur lequel sont stockées des images appartenant à un tiers ou de la personne qui bénéficie d'un droit d'accès au site d'un tiers avec garantie du contenu. Est également punissable celui qui est entré en possession de matériel illicite involontairement, mais le conserve après avoir pris connaissance de son contenu (ATF 137 IV 208 consid. 4.1 et 4.2.2). Même la conservation provisoire de données dans des fichiers temporaires du disque dur (cache) constitue un acte de possession, car l'auteur tient ainsi à sa disposition les contenus incriminés et la possibilité d'y accéder quand il le souhaite durant leur conservation. Le fait que les éléments enregistrés dans la mémoire cache s'effacent automatiquement après une certaine durée n'empêche pas la possession, d'autant moins qu'ils peuvent souvent être récupérés. Seul un utilisateur de support informatique qui ignore complètement l'existence de la mémoire cache et des données qu'elle contient ne sera pas reconnu coupable de possession (ATF 137 IV 208 consid. 4.2.1).
4.1.5.3 La distinction entre fabrication au sens de downloading et la possession dépend principalement de la volonté de télécharger les contenus ou du fait que le téléchargement s'est effectué automatiquement (notamment dans le cache) sans intervention de l'utilisateur (ATF 137 IV 208 consid. 2.2; jugement de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 4.2.4). En l'absence de preuve d'un comportement actif du prévenu tendant au téléchargement des contenus, même dans le cas où le chemin d'accès aux données exclut en principe un téléchargement automatique depuis une application de messagerie, celui-ci ne peut être écarté avec certitude. Dans un tel cas, seule la possession peut être retenue (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 4.5.2.2). Au demeurant, l'intention avouée d'un prévenu de supprimer des contenus constitue un indice clair qu'il sait posséder ceux-ci (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2019.63 du 18 décembre 2019 consid. 3.3.2). Il est par ailleurs sans importance que l'accusé ait envisagé ou non une diffusion publique des vidéos qu'il avait enregistrées, une telle éventualité n'étant pas un élément constitutif de l'infraction réprimée par l'art. 135 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6S.311/2004 du 11 octobre 2004 consid. 5.1.4; jugement de la Cour des affaires pénales SK.2007.4 consid. 6.3.7). En outre, si la possession ou la fabrication de plusieurs images identiques est reprochée, l'infraction ne peut être réalisée qu'une seule fois par image (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2021.22 du 11 novembre 2021 consid. 4.5.1).
4.1.6 La représentation de la violence est une infraction intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. L'auteur doit ainsi avoir conscience, selon l'appréciation d'un non-juriste, du caractère gravement attentatoire à la dignité humaine des représentations et de leur absence de valeur culturelle ou scientifique (Dupuis et al. [éd.], op. cit., no 19 ad art. 135 CP). En ce qui concerne la connaissance du caractère violent de la représentation, il suffit que l'auteur ait connaissance de l'opinion du grand public (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3e éd., 2010, no 29 ad art. 135 CP). Une erreur sur l'illicéité (art. 21 CP) est envisageable si l'auteur ne savait pas que la fabrication, respectivement, la possession des contenus visés à l'art. 135 CP est illicite. Une telle erreur est exclue si, sur la base d'un appréciation profane, l'auteur sait ou a le sentiment de faire quelque chose d'incorrect (ATF 104 IV 217 consid. 2). L'hypothèse d'une erreur de droit entre uniquement en considération pour les personnes séjournant en Suisse depuis peu de temps (ATF 117 IV 7). Cette erreur n'a pas été reconnue pour une personne arrivée en Suisse huit ans avant les faits et bien intégrée, en particulier du fait que toutes les vidéos téléchargées contenaient le drapeau de l'Etat islamique. En outre, l'interdiction des représentations de la violence doit être considérée comme universellement connue, vue son importance, et se trouve régulièrement sur les pages d'information des sites internet des polices cantonales (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2019.74 du 7 octobre 2020 consid. 3.3.4).
4.2 Actes reprochés à A.
Il est reproché à A. d'avoir enregistré dans son téléphone portable 2 six vidéos et de les avoir gardées en sa possession jusqu'au moment de la saisie du téléphone par la police le 2 octobre 2020 (chef d'accusation 1.2).
4.3 Réalisation de l'infraction
4.3.1 Représentation de la violence
Il convient en premier lieu de déterminer, pour chaque vidéo incriminée, si elle remplit les critères pour être qualifiée de représentation de la violence au sens de l'art. 135 CP.
4.3.1.1 Le MPC décrit la première vidéo incriminée de la manière suivante (ch. 1.2.1 de l'acte d'accusation):
«une vidéo montrant dans le fond trois militaires creusant leur tombe, sous le regard de deux soldats de l'organisation «Etat islamique» masqué (sic.) et devant un drapeau de ladite organisation,
au-devant de la scène un troisième soldat de l'organisation «Etat islamique» avec le visage masqué commence par parler en arabe, avant de continuer en anglais et de déclarer que le sort de ces soldats est le sort qui sera réservé à tous les kufars,
avant d'abattre les trois soldats, le porte-parole ajoute en anglais «ils ont dit qu'ils allaient battre le feu par le feu. lls pensaient que la coalition défendrait leur pays. Ils ont échoué. Nous sommes le groupe vainqueur»
à la fin de la vidéo, les trois soldats sont exécutés d'une balle dans la tête et tombent dans la tombe qu'ils avaient creusée (4_5956370008845060160.mp4)»
Après avoir visionné la vidéo en question, la Cour constate que celle-ci dure 02:43 minutes et que la synthèse du MPC décrit effectivement les faits représentés. Elle relève en outre que le soldat qui s'exprime en anglais prononce également, en substance, les paroles suivantes (traduction libre): «Ces kufars ont été capturés. […] Ils ont cru qu'ils pouvaient traverser les terres. Ils sont devenus arrogants sous la couverture des russes et des américains. […] Mais les croyants vont gagner. Et maintenant ils sont là, de retour à leur destin misérable, […] en train de creuser leur propre tombe. C'est la fin qui attend tous les kufars qui seront attrapés, c'est le destin qui les attend» (00:11 à 00:50). De plus, la parole est donnée aux prisonniers, qui s'expriment en arabe (00:57 à 01:03, 01:16 à 01:29); la teneur de leur discours ne peut être comprise par la Cour, mais l'émotion est perceptible dans leurs voix. Par ailleurs la qualité de l'image et du son de la vidéo est excellente, la réalisation paraît professionnelle, les pelles puis le drapeau de l'Etat islamique font l'objet d'un cadrage en gros plan (00:53 à 00:58, 01:03 à 01:16, 01:38 à 01:45) et l'exécution ainsi que la chute des militaires est représentée au ralenti, sur fond sonore de battements de cœur accéléré (02:07 à 02:40).
Il ne fait nul doute que les actes perpétrés dans cette vidéo sont violents, puisqu'il s'agit de la torture psychique, les prisonniers sachant qu'ils sont en train de creuser leur propre tombe, suivie d'une exécution brutale de personnes dans l'incapacité totale de se défendre. Le discours prononcé, en anglais, ajoute au sentiment de terreur et d'appréhension chez le spectateur, qui sait exactement ce que sont en train de faire les prisonniers et comment la scène va se terminer. La qualité des images et les effets utilisés pour appuyer certaines scènes, tels les ralentis ou gros plans, contribuent également à rendre cette vidéo particulièrement terrible. L'extrême violence de cette vidéo est ainsi établie.
4.3.1.2 La deuxième vidéo est décrite ainsi par le MPC (ch. 1.1.2 de l'acte d'accusation):
«une vidéo de propagande de l'organisation « Etat islamique » représentant des actes de torture, notamment au moyen de coups de pieds et de coups de fouet, des cadavres, ainsi que des scènes de combats (2_5472290687363843555.mp4, notamment mm. 01:40 à 01:53)»
Plus précisément, la Cour observe que la majeure partie de la vidéo (00:00 à 01:40 et 01:54 à 04:47), d'une durée totale de 06:11 minutes, consiste en des images de textes en arabe et de personnes en uniforme militaires. De la minute 01:40 à la minute 01:53 se succèdent trois brefs extraits vidéos dans lesquels des personnes à terre sont frappées par coups de pieds, de poings, de fouet ou de barres métalliques. Le premier extrait (01:40 à 01:44) est de mauvaise qualité, mais les actes commis sont parfaitement reconnaissables. Le deuxième extrait (01:44 à 01:50) présente une meilleure qualité d'image. Sur le troisième extrait (01:50 à 01:53), seul est visible le bourreau qui donne les coups, mais non sa victime. De la minute 04:48 à la minute 05:04 se succèdent des vidéos d'explosion, puis entre la minute 05:05 et la minute 05:25, apparaissent des scènes de tirs en zone de combat; ces extraits durent chacun entre une et deux secondes. L'on voit ensuite une personne blessée au bras (05:44 à 05:46), une personne prenant son arme (05:47 à 05:50), et des images de visage de personnes (vraisemblablement) décédées (05:52 à 05:56), une liste de drapeaux (05:57 à 06:02) et enfin trois images de fins de combats (06:03 à 06:07). Le fond sonore du film consiste en un discours en arabe. Le portait d'une personne, dont le nom paraît inscrit en arabe sous la photographie, figure en bas à gauche durant toute la vidéo.
Seules relèvent de la violence les scènes de coups, voire les scènes d'explosions et de tirs ainsi que les images de visage de personnes décédées. Les scènes ou images sont exposées pour des durées extrêmement restreintes (moins de deux secondes) et ne sont pas elles-mêmes de nature si horrible qu'elles restent inscrites dans l'esprit du spectateur en dépit de leur courte durée. Aussi, même s'il est reconnaissable que les visages apparaissant sur les images sont ceux de personnes décédées, ils ne sont pas tuméfiés et n'apparaissent pas particulièrement choquants pour une personne de sensibilité moyenne. Quant au discours prononcé en fond sonore de la vidéo, n'étant pas compris par la Cour, il ne peut être tenu pour un élément renforçant le caractère insistant de la violence. Cela étant, les actes de cruauté de la vidéo incriminée ne présentent pas une insistance suffisante pour être répréhensibles au sens de l'art. 135 CP.
4.3.1.3 Le MPC décrit comme suit la troisième vidéo (ch. 1.2.3 de l'acte d'accusation):
«une vidéo de lapidation, jusqu'à la mort, d'un homme menotté par plusieurs dizaine d'hommes (2_5431407701127071924.mp4)»
A cette description, la Cour ajoute que l'exécution se déroule au milieu d'une foule de personnes, dans laquelle apparaissent également des enfants, que la vidéo dure 03:47 minutes, mais que la mise à mort a duré plus longtemps au vu des coupures opérées dans le montage du film, que la victime a les bras attachés derrière le dos, qu'elle fait plusieurs tentatives pour se relever, que l'on entend parfaitement ses cris de douleur ainsi que la rumeur de la foule et le bruit des pierres. La vidéo présente une qualité suffisante pour que la scène soit parfaitement reconnaissable.
Il s'agit ici d'une mise à mort de façon particulièrement brutale, puisqu'elle tend à faire souffrir préalablement la personne, durant plusieurs minutes. La victime est hors d'état de se défendre, complètement à la merci d'une foule de personnes souhaitant sa douleur et sa mort. Elle est de nature à marquer l'esprit de tout spectateur et à provoquer un sentiment d'horreur. La violence des actes est accentuée par la durée de la scène et le son de celle-ci. Le caractère insistant et attentatoire à la dignité humaine des actes de cruauté ici représentés ne prête pas à discussion.
4.3.1.4 La quatrième vidéo est décrite de la manière suivante (ch. 1.2.4 de l'acte d'accusation):
«une vidéo représentant d'un prisonnier, qui commence par se faire frapper avant d'être abattu. Le drapeau de l'organisation «Etat islamique» apparaît dans l'angle droit de la vidéo (1_5057976005730238675.mp4)»
La Cour note en outre que la vidéo a une durée totale de 00:37 secondes, que la victime est menottée, que les coups qui lui sont donnés sont plutôt légers, que plusieurs coups de feu sont tirés et que la vidéo est filmée dans le noir, vraisemblablement avec une caméra à intensificateur de lumière puisque les scènes sont visibles, et que l'on semble percevoir, après l'exécution, une mare de sang sur le sol. Quant au son, on entend l'un des bourreaux parler en arabe, puis des coups de feu, sur lesquels s'enchaînent immédiatement un nasheed.
La personne frappée a les mains attachées et ne peut ainsi opposer aucune résistance. Les coups portés consistent en de petites tapes sur la tête et sur l'épaule, qui ne sont aucunement de nature à heurter le spectateur. L'exécution constitue quant à elle un acte de violence incontestable. Les coups de feu et la chute du corps sont perceptibles, quoique la scène se déroule entièrement dans l'obscurité. Le bruit des coups de feu augmente la réalité de la scène. En outre, la personne exécutée est de dos au moment où les coups sont tirés, faisant ressortir un sentiment de lâcheté ou de mépris de la part de ses bourreaux. Au demeurant, le drapeau de l'Etat islamique apparaît à titre de logo de la vidéo. La Cour constate que la présence de ce symbole rappelle au spectateur que l'acte de violence est réalisé dans le cadre d'une idéologie, de manière ciblée sur des personnes déterminées. L'atteinte à la dignité humaine est ainsi encore renforcée par l'utilisation de la victime comme simple objet de propagande virtuelle menée par l'Etat islamique. L'acte de cruauté est ainsi suffisamment insistant pour marquer l'esprit du spectateur. Partant, cette vidéo constitue un contenu répréhensible au sens de l'art. 135 CP.
4.3.1.5 Quant à la cinquième vidéo en cause, le MPC la décrit ainsi (ch. 1.2.5 de l'acte d'accusation):
«une vidéo de combat de l'organisation «Etat islamique», dont le drapeau apparaît en haut à gauche, représentant une personne abattue en gros plan (1_5091810886209765674.mp4, mm. 00:41 à 00:45)»
La Cour précise que la vidéo entière dure moins d'une minute (00:54), dont les 00:40 premières secondes sont des images de combattants faisant la prière et de coups tirés par des armes à feu, sans cible apparente. Entre les secondes 00:40 et 00:45, des coups de feu sont tirés sur une personne à terre. La vidéo se termine sur des combattants brûlant un drapeau. Le fond sonore est un discours en arabe puis, en toute fin de vidéo, un début de chant ou nasheed.
On ignore ici si la personne à terre est déjà décédée lorsque les coups sont tirés dans sa direction. Toutefois, de manière générale, une exécution ou une profanation de cadavre sont considérées comme des actes de cruauté. La Cour constate que la scène dure en l'espèce moins de cinq secondes, que le visage de la victime n'est pas visible, et qu'il n'y a pas le son accompagnant les coups de feu. L'image est en revanche de bonne qualité, le coup de feu ressortant avec netteté. En outre, qu'il s'agisse ici d'une exécution ou d'une profanation de cadavre, l'acte est filmé à des fins de propagande pour l'Etat islamique, dont le drapeau apparaît dans la vidéo, de sorte que la victime est réduite au statut d'objet de propagande terroriste, ce qui rend particulièrement intense l'atteinte à sa dignité. Dès lors, la violence particulière de l'acte doit être reconnue.
4.3.1.6 Le MPC écrit comme suit la sixième vidéo (ch. 1.2.6 de l'acte d'accusation):
«une vidéo d'une personne se faisant enterrer vivante par des personnes en habits militaires, vraisemblablement des combattants de l'organisation «Etat islamique» (2_5382326498495564391.MOV)»
Quant à cette vidéo, la Cour relève qu'elle dure 00:29 secondes, que la qualité de la vidéo est médiocre, les images apparaissant de manière plutôt floue. On y distingue toutefois correctement une personne enterrée jusqu'au cou et entourée de personnes en uniforme militaire qui la pointent avec leur arme. Des pelles de terre sont versées autour de la tête de la victime, qui supplie ses bourreaux, jusqu'à ce que ces derniers la fassent taire en recouvrant son visage de terre. La vidéo se termine sur cette image.
Il ne fait aucun doute qu'enterrer une personne vivante est un acte de cruauté portant atteinte à son intégrité, une telle mise à mort procurant des souffrances physiques extrêmes à la victime et la terreur de voir sa fin arriver de la sorte étant insoutenable sur le plan psychique. La mauvaise qualité des images et la durée limitée de la vidéo ne suffisent pas à annihiler le caractère insistant de ces actes de violence atroces, d'autant plus que les supplications de la victime, sans défense, sont parfaitement audibles. De telles images inspirent sans conteste un sentiment de dégoût et d'horreur chez le spectateur. Partant, il s'agit d'une représentation de la violence au sens de l'art. 135 CP.
4.3.1.7 Finalement, il ressort clairement du contenu des vidéos, et de leur absence totale de contextualisation, que celles-ci n'ont pas de valeur culturelle ou scientifique qui les rendraient admissibles. Un tel argument n'est d'ailleurs, à juste titre, aucunement invoqué par la défense.
4.3.2 Comportement incriminé
4.3.3 Il doit ensuite être établi quel comportement punissable de l'art. 135 al. 1 et/ou al. 1bis CP est reproché à A., puis si ledit comportement est effectivement réalisé en l'espèce.
4.3.3.1 Il ressort de l'acte d'accusation qu'A. est accusée d'avoir «enregistré dans son téléphone portable» les vidéos précitées et de les avoir «gardées en sa possession» jusqu'à la saisie de son téléphone.
4.3.3.2 Lors des débats, le MPC a argué qu'il ressortirait des déclarations de la prévenue que cette dernière était consciente que les vidéos reçues sur l'application Telegram se téléchargeaient automatiquement dans la mémoire du téléphone et qu'elle était capable de manipuler le contenu de la mémoire de son téléphone, notamment pour accéder aux fichiers sauvegardés, les partager ou les supprimer. Il a conclu que la prévenue se rendait, par ces faits, coupable de possession de représentation de la violence au sens de l'art. 135 al. 1bis CP. Le MPC a ajouté qu'en s'abonnant à des chaînes sur l'application Telegram, la prévenue savait que des vidéos de propagande de l'Etat islamique, y compris celles contenant des représentations de la violence, seraient sauvegardées sur son téléphone. Elle était non seulement consciente de ces sauvegardes mais elle souhaitait celles-ci, afin de pouvoir ensuite diffuser les vidéos en question à des tiers. Pour ces faits, le MPC a conclu que l'infraction de l'art. 135 al. 1 CP était également réalisée.
La défense a quant à elle argué que, vu les déclarations de C. selon lesquelles il stockait une partie des informations récoltées lors de ses recherches dans le téléphone de son épouse, la preuve d'un téléchargement volontaire des vidéos incriminées, par la prévenue, ferait défaut. Elle reconnaît toutefois qu'A. savait, ou aurait dû savoir, que, par leur téléchargement, les données récoltées sur internet restent disponibles sur le téléphone et qu'il convient de procéder à leur suppression régulière. La défense est ainsi d'avis que la réalisation de l'infraction de possession de représentation de la violence conformément à l'art. 135 al. 1bis CP est réalisée. Elle souligne toutefois qu'il doit être tenu compte, dans l'appréciation de la faute de la prévenue, de ce que son omission d'effacer les vidéos incriminées ne peut s'apparenter à une volonté de les garder en sa possession.
4.3.3.3 En l'espèce, les vidéos susmentionnées ont été retrouvées sur le téléphone 2, lequel a été séquestré dans le cadre d'une perquisition menée au domicile de C. et A. le 2 octobre 2020 et identifié comme le téléphone personnel de la prévenue (10-01-0009). Plus précisément, les vidéos incriminées ont été trouvées dans le dossier «Videos» de ce téléphone, lequel contenait plus de 2500 vidéos, dont une grande partie avait été supprimée et ne pouvait être restaurée (10-01-0012 s.). La plupart des vidéos de ce dossier ont été téléchargées depuis l'application Telegram et se rapportent à la famille de la prévenue, à l'islam et à la guerre en Syrie (10-01-0108). Il ressort du dossier qu'A. est normalement l'unique utilisatrice du téléphone 2 sur lequel ont été retrouvées les vidéos incriminées (13-01-0016). Son mari y a parfois recours, mais la prévenue en est la principale utilisatrice (13-01-0016, -0067; cf. consid. 3.5.4.6 supra).
4.3.3.4 Durant l'instruction, la prévenue a immédiatement reconnu que du «matériel interdit» serait retrouvé sur son téléphone. Quant à la nature de ces contenus, elle a indiqué qu'il s'agissait des «vidéos dont je vous ai parlé précédemment, des chaînes concernant la religion musulmane» (13-01-0016). Au sujet desdites chaînes, A. a reconnu avoir été abonnée à des canaux de l'Etat islamique sur Telegram, puis s'en être désinscrite, environ deux ans avant son audition du mois de juin 2021 (13-01-0065; TPF 3.731.006 et 035). Interrogée sur la raison de la présence de telles vidéos dans son téléphone, A. a répondu que «l'être humain s'intéresse à toutes sortes de choses; à des choses qui se passent dans le monde, qui se passent partout» (13-01-0087). Elle a déclaré être «un peu étonnée» que ces vidéos aient été trouvées dans son téléphone, car elle ne savait pas si elle avait vraiment tout ça dans son téléphone. Elle a ensuite détourné plusieurs fois la question en indiquant tout d'abord ne pas être la seule à disposer de telles vidéos, insistant sur le fait que même des non musulmans en ont et qu'elle est attaquée parce qu'elle est musulmane, voilée et habillée en noir, puis affirmant que cela fait partie du passé, qu'elle ne s'en rappelle plus et qu'elle aspire désormais uniquement à une vie tranquille (13-01-0089).
Lors de son audition par la Cour, la prévenue a déclaré qu'elle avait trouvé ces vidéos sur Telegram (TPF 3.731.035) et qu'elle n'avait accompli aucune démarche destinée spécifiquement au téléchargement de celles-ci, précisant qu'un téléchargement était nécessaire pour les visionner. Elle a d'ailleurs déclaré «je voulais juste voir et ça s'est enregistré». Elle n'aurait pas supprimé chacune des vidéos de son téléphone portable car elle n'aurait pas pensé à le faire à chaque fois (TPF 3.731.033 s.). Elle a en outre expliqué que la mémoire cache d'un téléphone est «la mémoire qui garde, par exemple, les vidéos que l'on voit», mais ne pas savoir combien de temps les vidéos y sont sauvegardées ni comment activer cette mémoire cache. Elle a encore reconnu effacer des contenus de son téléphone lorsque la mémoire était pleine, sans toutefois pouvoir expliquer comment procéder pour ce faire et indiqué que des vidéos avaient été supprimées de son téléphone avant que celui-ci ne soit séquestré car elle n'avait pas besoin de les garder (TPF 3.731.035 s.).
4.3.3.5 En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que les vidéos qui viennent d'être décrites (cf. consid. 4.3.1.1 à 4.3.1.6 supra) étaient stockées sur le téléphone portable de la prévenue. Celle-ci ne le nie d'ailleurs pas. L'intéressée, qui a d'emblée déclaré aux enquêteurs qu'ils retrouveraient du «matériel interdit» sur son téléphone portable, a précisé qu'elle avait «oublié» lesdites vidéos – ce par quoi il faut comprendre qu'elle a omis de les effacer de la mémoire de l'appareil en cause. A., sans jamais se contredire sur ce point, a affirmé qu'elle n'avait jamais accompli la moindre démarche pour télécharger lesdits contenus sur son téléphone portable, mais qu'une telle opération s'effectuait automatiquement dès lors qu'elle les visionnait. Cette dernière affirmation correspond à une réalité technique. Pour le surplus, lesdites déclarations ne sont pas démenties par un élément quelconque du dossier. En d'autres termes, rien ne permet à la Cour de déduire une intention de la prévenue qui porterait spécifiquement sur le téléchargement des vidéos en cause. A cet égard, la thèse d'un téléchargement volontaire en vue d'une diffusion ultérieure, soutenue par le MPC, doit être écartée faute de tout indice en ce sens, étant précisé qu'aucune des vidéos en cause ne se recoupe avec l'une ou l'autre de celles pour lesquelles la prévenue est poursuivie, dans la présente procédure, au titre de la violation de l'art. 2 LAQEI. Par ailleurs, le fait que les vidéos en cause étaient répertoriées dans un dossier spécifique, intitulé «Videos», n'est pas déterminant. En effet, on ne saurait exclure qu'un tel classement ne soit la conséquence d'une configuration «par défaut» du téléphone portable de la prévenue et, même à supposer que tel ne soit pas le cas, une volonté originelle de téléchargement de ces contenus ne saurait être inférée du seul classement manuel, subséquent, de ceux-ci par la prévenue. Dans ces conditions, une fabrication, au sens de l'art. 135 al. 1 CP, ne peut être retenue. En revanche, et dès lors que les déclarations d'A. montrent clairement que celle-ci connaissait l'existence de la mémoire cache et des données qu'elle contenait en l'occurrence, cette dernière s'est rendue coupable de possession de représentation de la violence, au sens de l'art. 135 al. 1bis CP.
4.3.4 Intention ou dol éventuel
4.3.4.1 Il doit d'abord être relevé qu'A. a refusé de visionner les vidéos décrites ci-dessus, tant lors de son audition par le MPC (13-01-0087) que devant la Cour (TPF 3.731.033 ss). Elle a notamment indiqué ne pas pouvoir «récupérer le passé» et ne pas vouloir «voir des choses terribles» (13-01-0089). Interrogée sur son sentiment par rapport à une vidéo de décapitation, la prévenue a répondu que ce genre de chose ne lui plaisait pas (13-01-0065). Concernant plus précisément le contenu des vidéos visées par l'acte d'accusation, la prévenue a refusé de s'exprimer devant le MPC (13-01-0087 à 0089) et déclaré à la Cour de céans ne pas s'en souvenir (TPF 3.731.033 ss). Finalement, comme précédemment relevé (cf. consid. 5.2.3.3 supra), A. savait que du «matériel interdit» serait retrouvé dans son téléphone 2 (13-01-0016), et il est établi qu'une partie des vidéos qui se trouvaient sur le téléphone ont été supprimées avant la perquisition du 2 octobre 2020 (10-01-0012 s.).
4.3.4.2 La Cour tient pour établi, au regard de la teneur des vidéos en cause, que la prévenue ne pouvait qu'être consciente de leur caractère gravement attentatoire à la dignité humaine et, en l'absence de toute contextualisation, que ces vidéos n'ont de valeur ni culturelle, ni scientifique. La prévenue reconnaît d'ailleurs qu'il s'agit de «matériel interdit» et de «choses horribles». A cela s'ajoute son refus de visionner ces vidéos lors de ses auditions, indice incontestable de leur caractère choquant et du sentiment d'horreur ou de dégoût qu'elles provoquent. Ainsi, à tous le moins le dol éventuel doit-il être retenu pour la possession de telles représentations de la violence.
4.4 Culpabilité
Au vu de ce qui précède, A. est reconnue coupable de possession de représentation de la violence pour les vidéos décrites aux chiffres 1.2.1, 1.2.3, 1.2.4, 1.2.5 et 1.2.6 de l'acte d'accusation (art. 135 al. 1bis CP).
Elle est acquittée de toute infraction relative à la vidéo décrite au chiffre 1.2.2 de l'acte d'accusation.
5. Peine
5.1 Les infractions objets de la présente procédure ont été commises entre le 6 mai 2018 et le 19 septembre 2020 concernant la violation de l'art. 2 LAQEI, respectivement étaient réalisées le 2 octobre 2020 pour les infractions à l'art. 135 al. 1bis CP. Le nouveau droit des sanctions, en vigueur depuis le 1er janvier 2018, trouve ainsi application.
5.2 Fixation de la peine
5.2.1 Le tribunal fixe la peine en fonction de la culpabilité de l'auteur. Il tient compte des antécédents et de la situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur la vie de l'auteur (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité se détermine en fonction de la gravité de l'atteinte ou de la mise en danger du bien juridique concerné, du caractère répréhensible de l'acte, des mobiles et des objectifs de l'auteur, ainsi que de la mesure dans laquelle l'auteur pouvait éviter l'atteinte ou la mise en danger au vu des circonstances internes et externes (art. 47 al. 2 CP). La loi n'énumère pas de manière détaillée et exhaustive tous les éléments à prendre en considération, ni leurs effets exacts lors de la détermination de la peine. Il appartient au tribunal de décider dans quelle mesure il prend en compte les différents facteurs de fixation de la peine (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 et les références citées). Le juge disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente, au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6).
Les éléments fondant la culpabilité que le juge doit examiner en premier lieu sont ceux qui se rapportent à l'acte lui-même (Tatkomponente), à savoir notamment, du point de vue objectif, la gravité de la lésion ou de la mise en danger, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). S'agissant de la gravité de la lésion, il sera tenu compte de l'importance du bien juridiquement protégé par la norme et du résultat de l'activité illicite. Pour déterminer le caractère répréhensible de l'acte et de son mode d'exécution, la façon dont l'auteur a déployé son activité criminelle et l'ensemble des circonstances sont pris en considération (Mathys, Leitfaden Strafzumessung, 2e éd. 2019, p. 38, no 91; Wiprächtiger/Keller, Basler Kommentar, vol. I, 4e éd. 2019, nos 90 ss ad art. 47 CP; Queloz/Mantelli-Rodriguez, Commentaire romand du Code pénal I, 2e éd. 2021, nos 6, 6a et 14 ss ad art. 47 CP).
Du point de vue subjectif, sont pris en considération l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). Il s'agira notamment de déterminer à quel point l'auteur était ou non libre de choisir entre le comportement licite et illicite et par conséquent s'il lui aurait été facile ou non d'éviter de passer à l'acte. Plus il lui aurait été facile de respecter la norme enfreinte, plus sa décision de l'avoir transgressée pèse lourd et, partant, sa faute est grave, et vice versa (ATF 127 IV 101 consid 2a; 122 IV 241 consid. 1a et les arrêts cités). Il sera tenu compte aussi de la répétition et de la durée du comportement illicite, soit l'énergie criminelle déployée par l'auteur. Quant aux motivations et les buts de l'auteur, il faut examiner les raisons qui l'ont incité à violer la loi, le caractère égoïste ou futile du mobile poursuivi constituant un critère à charge dans la fixation de la sanction (Mathys, op. cit., p. 61, no 154; Wiprächtiger/Keller, op. cit., nos 115 ss ad. art. 47; Queloz/Mantelli-Rodriguez, op. cit., nos 22 ss et 36 ss ad art. 47).
Le juge doit également apprécier les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, origine socioéconomique, intégration sociale, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que l'attitude et les comportements du condamné après les faits qui lui sont reprochés et au cours de la procédure pénale (aveux, collaboration à l'enquête, remords, prise de conscience de sa propre faute; ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_759/2011 du 19 avril 2012 consid. 1.1; Queloz/Mantelli-Rodriguez, op. cit., nos 68 ss ad art. 47). Pour apprécier l'effet prévisible de la peine sur l'avenir du prévenu, le juge se demande quelles seront, selon toute vraisemblance, les incidences principales de la peine infligée sur la vie future du prévenu. A cet égard, il convient également de tenir compte du fait que certains délinquants sont plus durement touchés par l'exécution d'une peine privative de liberté. La vulnérabilité face à la peine ne doit cependant être retenue comme circonstance atténuante que si elle rend la sanction considérablement plus dure pour le prévenu que pour la moyenne des autres condamnés, par exemple en cas de maladie grave, de psychoses claustrophobiques ou de surdimutité. Il ne s'agit en effet pas de favoriser les délinquants appartenant à la classe sociale privilégiée par rapport aux simples citoyens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_14/2007 du 17 avril 2017 consid. 6.4). Dans la mesure où ils ne s'attachent pas à l'un ou l'autre des délits commis mais à l'ensemble de ceux-ci, les facteurs aggravants ou atténuants liés à l'auteur ne doivent être pris en compte qu'après avoir déterminé, le cas échéant, la peine d'ensemble provisoire y relative (voir arrêts du Tribunal fédéral 6B_265/2017 du 9 février 2018 consid. 2.3 et 6B_745/2017 du 12 mars 2018 consid. 2.7).
5.2.2 La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1; 134 IV 97 consid. 4.2.2). Pour déterminer le genre de peine, le juge doit tenir compte de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est pas déterminante dans ce cadre (ATF 147 IV 241 consid. 3.2; 144 IV 313 consid. 1.1.1).
5.2.3 Si, par un ou plusieurs actes, l'auteur a rempli les conditions de plusieurs peines de même nature, le juge fixe une peine pour l'infraction la plus grave – c'est-à-dire celle qui est passible de la peine la plus élevée – et l'augmente dans une juste proportion (Asperationsprinzip). Il ne peut toutefois, ce faisant, pas augmenter de plus de la moitié le maximum légal de la peine prévue pour l'infraction la plus grave (art. 49 al. 1 CP).
Dans un premier temps, le juge doit fixer le cadre de la peine en déterminant l'infraction la plus grave. Si plusieurs infractions sont assorties de la même peine-menace, il convient de partir de l'infraction qui entraîne dans le cas concret la sanction la plus élevée (Mathys, op. cit., no 359). Le juge fixe ensuite la peine de base pour cette infraction (Einsatzstrafe), en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes susmentionnées. Puis, il augmente la peine de base au moyen de peines complémentaires pour sanctionner chacune des autres infractions en application du principe d'aggravation (Asperationsprinzip), en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 217 consid. 3.5.1 et les arrêts cités; 144 IV 313 consid. 1.1.2). La motivation du jugement doit permettre d'identifier la peine de base et les peines complémentaires pour comprendre comment la peine d'ensemble (Gesamtstrafe) a été formée (jugement de la Cour d'appel CA.2021.16 du 21 février 2022 consid. 1.2.3).
Le principe d'aggravation est applicable uniquement si l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre (ATF 144 IV 217 consid. 2.2; 142 IV 265 cosnid. 2.3.2; 138 IV 120 consid. 5.2; 137 IV 249 consid. 3.4.2; 137 IV 57 consid. 4.3.1). Les peines pécuniaires et les peines privatives de liberté sont des peines de nature différente (Ackermann, Basler Kommentar, 4e éd. 2019, vol. 1, no 90 ad art. 49 CP). Dans le cas où les infractions concurrentes menacent alternativement de types de peine différents (p. ex. peine privative de liberté ou peine pécuniaire), le tribunal peut, dans les limites du maximum légal du type de peine, prononcer une (seule) peine globale au sens de l'art. 49 al. 1 CP, s'il estime qu'il prononcerait cette peine de même nature pour chacune de ces infractions dans le cas particulier. En revanche, s'il estime qu'une peine privative de liberté est appropriée dans un cas et une peine pécuniaire dans l'autre, les peines doivent être prononcées de manière cumulative (Ackermann, op. cit., no 92 ad art. 49 CP).
L'application du principe d'aggravation de l'art. 49 al. 1 CP ne peut pas conduire à une peine maximale plus élevée que la peine maximale qui serait possible en cas d'application du principe de cumul. En effet, la ratio legis du principe d'aggravation de l'art. 49 al. 1 CP est d'atténuer le principe de cumul, la peine totale ne devant pas atteindre la somme des peines individuelles infligées (voir ATF 143 IV 145 consid. 8.2.3).
5.2.4 En l'espèce, l'infraction à l'art. 2 LAQEI est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire, tandis que la possession de représentation de la violence au sens de l'art. 135 al. 1bis CP est punie d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. Les deux infractions dont s'est rendue coupable la prévenue permettent ainsi tant le prononcé d'une peine privative de liberté que celui d'une peine pécuniaire. Compte tenu des circonstances de la présente cause, et de la culpabilité de la prévenue, cette dernière doit être sanctionnée d'une peine pécuniaire pour les deux infractions (cf. consid. 5.2.6 s. infra), d'autant que celles-ci sont matériellement liées l'une à l'autre, puisque les représentations de la violence prennent la forme de vidéos en lien avec l'Etat islamique – le drapeau de cette organisation apparaît sur plusieurs vidéos de représentation de la violence –, ou en tout cas se déroulent dans le monde arabo-musulman, reconnaissable par les paysages et l'habillement des personnes qui y sont représentées, notamment, et les actes de violence représentés correspondent à ceux typiquement commis par l'Etat islamique. De plus, selon ses propres dires, la prévenue s'est trouvée en possession de l'ensemble des contenus pour lesquels elle est condamnée dans la présente procédure grâce aux chaînes suivies sur l'application Telegram, lesquelles étaient liées à l'Etat islamique.
5.2.5 La peine abstraitement la plus grave est celle qui concerne la violation de l'art. 2 LAQEI, sous la forme d'action de propagande en faveur de l'Etat islamique. Cette infraction est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Il y a donc lieu de fixer la peine pour cette infraction et de l'augmenter ensuite pour sanctionner la possession de représentation de la violence.
5.2.6 Fixation de la peine pour violation de l'art. 2 LAQEI
S'agissant des Tatkomponente, l'infraction à l'art. 2 LAQEI est réalisée, in casu, au total par dix envois, concernant six contenus différents à caractère de propagande pour l'Etat islamique différents, à quatre destinataires. Il en résulte le partage d'un nombre non négligeable de contenus. Dans chaque cas, l'envoi a pris la forme d'un message individuel, soit sur l'application Whatsapp, soit sur l'application Viber. Les envois ont été effectués à des dates isolées ou durant une période relativement restreinte, soit les 2 juillet 2018 et 22 mars 2020, ainsi qu'entre le 27 août et le 19 septembre 2020. Quant au type de contenus concernés, il s'agit de quatre vidéos (sept envois), un texte chanté (deux envois) et un texte écrit (un envoi). Ces contenus, s'ils constituent de la propagande en faveur d'une organisation interdite, n'incitaient pas directement à adopter des comportements violents (appel à commettre des meurtres par exemple) et ne contenaient pas d'images ou paroles de nature particulièrement incisives ou propres en elles-mêmes à heurter la sensibilité. En outre, il s'agissait de contenus soit en langue arabe, soit en langue albanaise – à l'exception d'une vidéo en anglais – ce qui limite l'accès et l'intérêt du public suisse pour de tels contenus et restreint également le cercle des personnes potentiellement influençables dans ce pays.
Subjectivement, la prévenue a adressé les contenus incriminés uniquement à un cercle restreint de personnes, soit certains de ses proches, par des messages leur étant directement adressés. Bien qu'elle ait ainsi perdu le contrôle des contenus partagés, susceptibles d'être diffusés ailleurs par les destinataires initiaux, A. n'avait pas l'intention de diffuser elle-même ces contenus à plus large échelle, comme il en serait allé en cas de posts publics sur des réseaux sociaux ou forums internet, hypothèse dans laquelle le contenu en cause est d'emblée rendu accessible à un nombre élevé de personnes. Par ailleurs, la prévenue a fait preuve d'une énergie criminelle somme toute limitée dans la commission de l'infraction, puisqu'elle s'est contentée de transmettre, à quelques personnes, des contenus à caractère de propagande qui lui étaient apparus automatiquement sur les chaînes Telegram auxquelles elle était abonnée, en effectuant quelques manipulations sur son téléphone portable, sans même prendre la peine de rédiger des messages d'accompagnement. Dans ces conditions, la culpabilité de la prévenue doit être qualifiée de relativement légère.
Au vu de ce qui précède, la culpabilité de la prévenue justifie une peine de base, relative à l'infraction à l'art. 2 LAQEI, de 120 jours, étant rappelé que la violation de cette disposition est passible d'une peine privative de liberté de 5 ans au plus. Quant à la nature de la peine à prononcer, il n'y a pas lieu de s'écarter ici du principe de la priorité de la peine pécuniaire. La peine, pour la violation de l'art. 2 LAQEI, est ainsi arrêtée à 120 jours-amende.
5.2.7 Aggravation de la peine pour possession de représentations de la violence
La prévenue s'est rendue coupable de possession de représentations de la violence pour s'être trouvée, lors de la perquisition de son téléphone le 2 octobre 2020, en possession de cinq vidéos représentant des actes de cruauté envers des êtres humains. Le nombre de contenus concernés est ainsi peu élevé. Il s'agit toutefois uniquement de vidéos, moyen particulièrement représentatif et par nature plus apte à marquer l'esprit et heurter le spectateur qu'une simple bande sonore ou une image. Par ailleurs, les actes représentés, s'ils sont suffisamment violents pour tomber dans le champ d'application de l'art. 135 CP, n'entrent toutefois pas, à deux exceptions près (chefs d'accusation 1.2.3 et 1.2.6), dans l'ignominie insoutenable.
Quant à l'énergie criminelle déployée par la prévenue, elle est peu élevée, étant rappelé que des vidéos violentes lui parvenaient régulièrement et automatiquement, dès lors que celle-ci s'était abonnée, sur des réseaux sociaux, à des chaînes qui en diffusaient à large échelle; ainsi, au final, la réalisation de l'infraction est due principalement au fait que la prévenue n'a pas pris la peine de supprimer des contenus qu'elle savait représenter des actes de violence.
Partant, pour la possession de représentation de la violence au sens de l'art. 135 al.1bis CP, la peine, également sous forme de peine pécuniaire, est arrêtée à 30 jours-amende.
5.2.8 Täterkomponente
En ce qui concerne les Täterkomponente, la situation personnelle de la prévenue a été développée au consid. B supra. En substance, A. est mariée, mère de trois enfants en bas âge, sans activité professionnelle. Elle a un niveau d'éducation normal. Elle vit isolée en Suisse, avec des contacts sociaux restreints, et parle peu le français. Elle n'a aucun antécédent judiciaire, ce qui a un effet neutre sur la peine. Elle est jeune et, apparemment, en bonne santé – élément sur lequel elle refuse de fournir toute information –, de sorte qu'il n'y a pas de sensibilité particulière à la peine. La situation personnelle de la prévenue n'est ainsi pas propre à influer sur la peine. Il sera encore relevé que la collaboration de la prévenue à la procédure doit être qualifiée de moyenne. Elle a généralement fait preuve de coopération quand il s'agissait d'établir sa situation et a rapidement admis une partie des faits. Elle est toutefois restée très évasive lorsqu'il s'agissait des circonstances des infractions, déclarant régulièrement ne plus se souvenir des faits; en particulier, elle n'a fourni aucune indication utile s'agissant du changement de perception allégué quant à l'Etat islamique. En somme, les facteurs personnels liés à la prévenue ont une influence neutre sur la peine à prononcer.
Cela étant, A. est condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende.
5.3 Détermination du montant du jour-amende
5.3.1 Pour définir le montant unitaire du jour-amende, aux termes de l'art. 34 al. 2 CP, le juge se fonde sur la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital. Le jour-amende est compris entre CHF 30.- et CHF 3'000.-, une réduction à CHF 10.- étant envisageable lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige. La peine pécuniaire a pour objectif de sanctionner l'auteur sur la part de son revenu qui ne sert pas à couvrir ses charges indispensables. Tous les types de revenus doivent être pris en considération, y compris le revenu à libre disposition de l'époux qui s'occupe du foyer au sens de l'art. 164 CPP, un tel revenu n'existant toutefois que dans le cas où la situation familiale des époux le permet (Jeanneret, Commentaire romand du Code pénal I, 2e éd., 2021, nos 11 et 15 ad art. 34; ATF 116 IV 4 consid. 3 ss; ATF 114 III 85/86).
5.3.2 Il convient ainsi de fixer le montant du jour-amende en tenant compte de la situation de la prévenue, telle que décrite au consid. B supra. Celle-ci ne perçoit aucun revenu et ne dispose d'aucune fortune personnelle. La famille A. vit du seul revenu de l'activité salariée de l'époux, estimé à CHF 4'000.- par mois. Le revenu de son époux, une fois l'ensemble des charges de la famille couvert, ne permet l'attribution d'aucun montant à libre disposition à la prévenue. Ainsi, au vu des circonstances du cas d'espèce et en l'absence de tout revenu propre d'A., afin de ne pas porter atteinte à son minimum vital, le montant du jour-amende est arrêté à CHF 10.-.
5.4 Sursis à l'exécution de la peine
5.4.1 Aux termes de l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2). En l'absence de condamnation préalable, le sursis est la règle. On ne peut s'en écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Le sursis prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 consid. 2.1). A teneur de l'art. 44 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (al. 1). Le délai d'épreuve commence à courir à la notification du jugement exécutoire (al. 4).
Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit prendre en considération tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui seraient pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1; 134 IV 1 consid. 4.2.1). Le défaut de prise de conscience de la faute peut justifier un pronostic défavorable, car seul celui qui se repent de son acte mérite la confiance que l'on doit pouvoir accorder au condamné bénéficiant du sursis (arrêt du Tribunal fédéral 6B_682/2017 du 11 décembre 2017 consid. 3.1).
5.4.2 La prévenue est une délinquante primaire. Elle a déclaré avoir changé d'opinion au sujet de l'organisation terroriste à laquelle sont liées les infractions commises, regretter ses actes et ne plus vouloir de problèmes avec les autorités. La réalité d'un tel changement peut apparaître douteuse, dès lors que les déclarations de la prévenue, toujours vagues à cet égard, ne permettent pas de comprendre quel aurait été l'élément déclencheur d'une telle modification, et que les derniers actes constitutifs d'une violation de l'art. 2 LAQEI pour laquelle A. a été condamnée ont eu lieu peu avant sa première interpellation. Cela étant, aucun élément concret figurant au dossier ne permet de poser un pronostic défavorable, étant précisé que l'intéressée s'est bien comportée depuis lors. De plus, la procédure pénale dirigée contre la prénommée a, selon toute vraisemblance, porté ses fruits en termes de prévention spéciale. Cela vaut en particulier pour la perquisition menée au domicile de la famille de la condamnée, au petit matin du 2 octobre 2020, événement qui l'a passablement marquée, vu l'émotion qui l'a saisie lorsqu'elle a relaté cet épisode devant la Cour. Au vu de ce qui précède, la peine pécuniaire doit être assortie du sursis. Il n'y a pas lieu d'augmenter la durée d'épreuve au-delà du minimum légal, si bien que celui-ci est fixé à deux ans.
5.5 Exécution
Les autorités du canton de Fribourg sont compétentes pour l'exécution de la peine.
6. Expulsion
6.1 Art. 66a CP
6.1.1 Aux termes de l'art. 66a al. 1 CP, le juge expulse de Suisse pour une durée de cinq à quinze ans l'étranger condamné pour l'une des infractions figurant dans ledit alinéa, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre. Il peut exceptionnellement renoncer à l'expulsion obligatoire au sens de l'alinéa 1 lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse (art. 66a al. 2, 1ère phrase CP; clause de rigueur). Seule la commission par l'étranger de l'une ou l'autre des infractions répertoriées à l'alinéa 1 de cette disposition légale entraîne l'expulsion obligatoire de l'étranger qui les a perpétrées. En d'autres termes, la liste de l'art. 66a al. 1 CP est exhaustive (Zurbrügg/Hruschka, Basler Kommentar, vol. I, 4e éd. 2019, nos 10 ss ad art. 66a CP; Perrier Depeursinge/Monod, Commentaire romand du Code pénal I, 1ère éd. 2017, nos 26 s. ad art. 66a CP).
6.1.2 Les infractions à la loi fédérale interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées ne figurent pas dans la liste de l'art. 66a CP. Ainsi, vu ce qui vient d'être dit, la commission de telles infractions ne peut en principe pas fonder l'expulsion obligatoire de l'étranger qui les a commises. Cela étant, dans un arrêt du 9 juillet 2021 (CA.2020.18), la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral a jugé que l'absence de mention de l'art. 2 LAQEI dans le catalogue des infractions de l'art. 66a CP constituait une lacune proprement dite de la loi (echte Lücke) relevant d'un oubli du législateur, et qu'il lui appartenait de la combler, conformément à l'art. 1 al. 2 du Code civil (RS 210, CC; consid. 1.2.8.1 par renvoi du consid. 3.2.2); partant, qu'une infraction à l'art. 2 LAQEI commise par un étranger entraîne l'expulsion obligatoire de celui-ci, au sens de l'art. 66a al. 1 CP (consid. 3.2.2).
6.1.3 Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique; ATF 137 IV 99 consid. 1.2; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1; ATF 135 II 416 consid. 2.2; ATF 134 I 184 consid. 5.1 et les arrêts cités).
6.1.4 Le principe de légalité (art. 1 CP) et son corollaire, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale (art. 2 CP) ont été élevés au rang constitutionnel par les art. 7 de la Convention européenne des droits de l'homme (RS 0.101, CEDH) et 15 ch. 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (RS 0.103.2, Pacte ONU II). Aux termes de l'art. 1 CP (pas de sanction sans loi ou nulla poena sine lege), une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi. Ainsi, cette disposition légale s'applique non seulement aux peines, mais aussi aux mesures, catégorie dans laquelle entre l'expulsion obligatoire au sens de l'art. 66a CP.
6.1.5 L'interprétation de la loi pénale par le juge est dominée par le principe de la légalité, "nulla poena sine lege", posé par l'art. 1 CP. Ce principe est violé lorsque quelqu'un est poursuivi pénalement en raison d'un comportement qui n'est pas visé par la loi, lorsque l'application du droit pénal à un acte déterminé procède d'une interprétation de la norme excédant ce qui est admissible au regard des principes généraux du droit pénal, ou si quelqu'un est poursuivi en application d'une norme pénale qui n'a pas de fondements juridiques (ATF 144 I 242 consid. 3.1.2). Pour la Commission européenne des droits de l'homme, le juge peut préciser les éléments constitutifs d'une infraction, mais non les modifier, de manière substantielle, au détriment de l'accusé. Il n'y a ainsi rien à objecter à ce que les éléments constitutifs existants de l'infraction soient précisés et adaptés à des circonstances nouvelles pouvant raisonnablement entrer dans la conception originelle de l'infraction (ATF 147 IV 274 consid. 2.1.1 et les références citées). Le juge peut dès lors, sans violer le principe de la légalité, donner du texte légal une interprétation même extensive, afin d'en dégager le sens véritable, celui qui est seul conforme à la logique interne et au but de la disposition en cause. Toutefois, si une interprétation conforme à l'esprit de la loi peut s'écarter de la lettre du texte légal, le cas échéant au détriment de l'accusé, il reste que le principe "nulla poena sine lege" interdit au juge de se fonder sur des éléments que la loi ne contient pas, c'est-à-dire de créer de nouveaux états de fait punissables. Lorsqu'il constate une lacune proprement dite de la loi, le juge a le devoir de la combler avec cette réserve qu'en matière pénale, sa démarche ne saurait que profiter à l'accusé (ATF 137 IV 99 consid. 1.2; 103 IV 129 consid. 3a et références citées).
6.1.6 Du principe de la légalité découle le principe de précision et clarté de la loi. Les normes pénales doivent en effet être formulées de manière telle à permettre au citoyen de s'y conformer et de prévoir les conséquences d'un comportement déterminé avec un certain degré de certitude dépendant des circonstances (ATF 144 I 242 consid. 3.1.2; 141 IV 179 consid. 1.3.3; 138 IV 13 consid. 4.1).
6.1.7 Aux termes de l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur. Ce principe de la non-rétroactivité constitue une émanation du principe de la légalité consacré à l'art. 1 CP et vise à éviter que celui-ci ne soit contourné par la poursuite pénale d'actes qui étaient licites lorsqu'ils ont été accomplis (Dongois/Lubishtani, Commentaire romand du Code pénal I, 1ère éd. 2017, no 3 ad art. 2 CP). Le principe de la non-rétroactivité s'applique également au prononcé de mesures (Popp/Berkemeier, Basler Kommentar, vol. I, 4e éd. 2019, no 23 ad art. 2 CP). Ce principe et l'application de la lex mitior sont limités aux modifications apportées à la loi pénale et ne peuvent être invoqués en cas de revirement de jurisprudence (ATF 147 IV 274 consid. 2.1.1; Dupuis et al., Petit commentaire du code pénal, 2e éd. 2017, n° 15 ad art. 2 CP; Popp/Berkemeier, op. cit., n° 17 ad art. 2 CP). Ce système régit aussi bien les peines que les mesures (Dupuis et al [éd.], Petit commentaire du Code pénal, 2e éd. 2017, no 1 ad art. 2 CP). Toutefois, lorsque le revirement de jurisprudence tient à la création de droit prétorien, le principe de non-rétroactivité trouve application au même titre que lors d'une modification formelle de la loi pénale (Dongois/Lubishtani, op. cit., no 27 ad art. 2 CP et les références citées).
6.1.8 Au vu de ce qui précède (cf. consid. 6.1.5 à 6.1.7 supra), on peut légitimement se demander si, dans l'arrêt précité, la Cour d'appel a bien respecté l'interdiction de créer de nouveaux états de fait punissables en retenant qu'une violation de l'art. 2 LAQEI entraîne l'expulsion obligatoire de l'étranger qui la commet malgré l'absence de mention expresse de cette disposition à l'art. 66a CP, étant précisé que dite autorité ne s'est pas livrée à une analyse approfondie de cette problématique. Cela étant, la question peut demeurer ouverte puisque, dans la présente cause, la Cour de céans violerait le principe de la légalité – en particulier l'obligation de précision et de clarté de la loi (art. 1 CP) –, respectivement le principe de l'interdiction de la rétroactivité de la loi pénale (art. 2 CP), si elle prononçait l'expulsion d'A. sur la base de l'art. 66a CP tel que complété par la Cour d'appel. En effet, l'arrêt précité, qui relève sur ce point du droit prétorien dès qu'il attache à un comportement punissable une sanction – sous forme de mesure – qui n'est pas prévue par la loi, a été rendu à une date postérieure aux faits pour lesquels la prénommée est condamnée, si bien que l'intéressée, lorsqu'elle a agi, ne pouvait pas prévoir que son comportement, soit une violation de l'art. 2 LAQEI, était susceptible d'entraîner son expulsion obligatoire du territoire suisse. Partant, une expulsion obligatoire du territoire suisse de la prévenue au sens de l'art. 66a CP est exclue.
6.2 Art. 66abis CP
6.2.1 Aux termes de l'art. 66abis CP, le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l'art. 66a CP, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l'objet d'une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP.
6.2.2 Comme toute décision étatique, le prononcé d'une expulsion non obligatoire doit respecter le principe de la proportionnalité ancré aux art. 5 al. 2 et 36 al. 2 et 3 Cst. Il convient ainsi d'examiner si l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à demeurer en Suisse. Une telle pesée des intérêts répond également aux exigences découlant de l'art. 8 par. 2 de la CEDH concernant les ingérences dans la vie privée et familiale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_528/2020 du 13 août 2020 consid. 3.2; 6B_594/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1; 6B_549/2019 du 29 mai 2019 consid. 2.1 et les références citées).
6.2.3 L'expulsion facultative est en principe réservée aux cas où le renvoi est nécessaire en raison du danger sérieux pour la sécurité publique que représente l'auteur condamné. Sont ainsi prioritairement visés par cette mesure les touristes criminels et les récidivistes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_770/2018 du 24 septembre 2018 consid. 1.1; Perrier Depeursinge/Monod, op. cit., no 5 ad art. 66abis CP). Une telle mesure n'apparaît indiquée que lorsque le comportement et les actes délictueux de la personne étrangère, au regard de ses antécédents et de son pronostic pour le futur, rendent la continuation de son séjour en Suisse incompatible avec l'intérêt public (Perrier Depeursinge, op. cit., no 5 ad art. 66abis CP).
6.2.4 L'examen de la proportionnalité suppose une prise en compte de la nature et de la gravité de la faute, du temps écoulé depuis la commission de l'infraction, du comportement de l'auteur durant cette période, de la durée de son séjour en Suisse, de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination et du préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir du fait de la mesure (ATF 139 I 16 consid. 2.2.1; 135 II 377 consid. 4.3; arrêt 6B_528/2020 précité consid. 3.2).
La jurisprudence rendue en droit des étrangers retient que la révocation de l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse doit se faire avec une retenue particulière, mais n'est pas exclue en cas d'infractions graves ou répétées, même en présence d'un étranger né en Suisse et qui y a passé l'entier de sa vie. On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine. Un étranger qui est né ou a grandi en Suisse dispose d'un intérêt privé important à y demeurer, ledit intérêt devant être pris en compte dans le cadre de la pesée des intérêts (ATF 144 IV 332 consid. 3.3.3; arrêt 6B_925/2019 du 16 octobre 2019 consid. 1.1).
Si des enfants sont impliqués, la pesée des intérêts doit en outre tenir compte, en tant qu'élément essentiel, des intérêts et du bien de l'enfant (ATF 143 I 21 consid. 5.5.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1024/2021 du 2 juin 2022 consid. 3.3; 6B_1319/2020 du 1er décembre 2021 consid. 1.2.3; 6B_855/2020 du 25 octobre 2021 consid. 3.3.2; arrêts de la CEDH Usmanov c. Russie du 22 décembre 2020, no 43936/18, § 56; Üner c. Pays-Bas du 18 octobre 2006, no 46410/99, § 58). En ce qui concerne les enfants du parent concerné par l'expulsion, la jurisprudence tient notamment compte du fait que les parents de l'enfant vivent ensemble et ont un droit de garde et d'autorité commun ou que le parent concerné par l'expulsion a seul le droit de garde et d'autorité, ou encore qu'il n'y a pas de droit de garde et d'autorité commun, respectivement s'il n'a pas du tout le droit de garde et d'autorité et n'entretient donc ses contacts avec l'enfant que dans le cadre d'un droit de visite (arrêts du Tribunal fédéral 6B_399/2021 du 13 juillet 2022 consid. 1.3.2; 6B_1024/2021 du 2 juin 2022 consid. 3.3; 6B_1319/2020 du 1er décembre 2021 consid. 1.2.3; 6B_855/2020 du 25 octobre 2021 consid. 3.3.2). En ce qui concerne le droit à la vie familiale, le fait que le contact avec l'enfant puisse être assuré dans le cadre de courts séjours ou par le biais des moyens de communication modernes suffit dans certaines circonstances, mais n'est pas non plus déterminant en vertu du droit de renvoi (arrêts 6B_1123/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.3.5; 6B_1314/2019 du 9 mars 2020 consid. 2.3.7; 2C_609/2020 du 1er février 2021 consid. 5.5; 2C_449/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.2).
6.2.5 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le prononcé d'une expulsion non obligatoire au sens de l'art. 66abis CP n'est pas subordonné à une peine minimale à laquelle le prévenu a été condamné. Par conséquent, l'expulsion non obligatoire d'une personne autorisée à séjourner en Suisse ne doit pas être considérée comme disproportionnée et donc inadmissible en cas de condamnation à une peine privative de liberté d'un an au plus, mais doit être évaluée sur la base d'un examen de la proportionnalité (ATF 145 IV 55 consid. 4.4; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1054/2020 du 30 novembre 2020 consid. 1; 6B_528/2020 du 13 août 2020 consid. 3.2 s. et les références citées).
6.2.6 La prévenue est une délinquante primaire; tant son casier judiciaire suisse, où elle est domiciliée depuis 2015, que kosovar, sont vierges. Arrivée en Suisse à la suite de son mariage avec un ressortissant kosovar au bénéfice d'une autorisation d'établissement (permis C), elle bénéficie elle-même d'une autorisation de séjour (permis B), provisoirement suspendue dans l'attente de l'issue de la présente procédure. Ses enfants bénéficient tous trois, comme leur père, d'une autorisation d'établissement. A. ne séjourne manifestement pas en Suisse dans l'objectif de vivre de la délinquance. Les envois, selon les modalités décrites plus haut, de contenus à caractère de propagande, exempts de représentation d'actes violents ou d'incitation directe à commettre de tels actes, ne constituent pas un danger sérieux pour la sécurité de l'Etat suisse, pas plus que la possession de représentations de la violence. Par ailleurs, aucun pronostic défavorable ne peut être établi quant à une éventuelle récidive (cf. consid. 5.4.2 supra). Dans ces conditions, il n'y a pas d'intérêt public à l'expulsion d'A.
6.2.7 En l'absence d'intérêt public à prononcer l'expulsion de la prévenue du territoire suisse, il n'y a pas lieu d'examiner ses intérêts privés à demeurer, ni de mettre en balance ceux-ci avec l'opportunité d'un retour au Kosovo.
6.2.8 Au vu de ce qui précède, il est renoncé à prononcer l'expulsion pénale d'A. du territoire suisse. A défaut d'expulsion, la question de l'inscription au Système d'information Schengen (SIS) devient sans objet.
7. Frais
7.1 Conformément à l'art. 421 al. 1 CPP, l'autorité pénale fixe les frais dans la décision finale. Les frais de procédure se composent des émoluments visant à couvrir les frais et des débours effectivement supportés (art. 422 al. 1 CPP en lien avec l'art. 1 du Règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale, RS 173.713.162, ci-après: RFPPF).
Les émoluments sont dus pour les opérations accomplies ou ordonnées par la Police judiciaire fédérale et le Ministère public de la Confédération dans la procédure préliminaire, ainsi que par la Cour des affaires pénales dans la procédure de première instance (art. 1 al. 2 RFPPF). Le montant de l'émolument est calculé en fonction de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties, de leur situation financière et de la charge de travail de la chancellerie (art. 424 al. 1 CPP en relation avec l'art. 5 RFPPF). Les émoluments pour les investigations policières en cas d'ouverture d'une instruction varient entre CHF 200.- et CHF 50'000.- (art. 6 al. 3 let. b RFPPF); ceux pour l'instruction terminée par un acte d'accusation se chiffrent entre CHF 1'000.- et CHF 100'000.- (art. 6 al. 4 let. c RFPPF). Dans les causes portées devant la Cour des affaires pénales, les émoluments judiciaires varient entre CHF 200.- et CHF 50'000.- devant le juge unique (art. 7 RFPPF).
Les débours comprennent notamment les frais imputables à la défense d'office et à l'assistance judiciaire gratuite, les frais de traduction, les frais d'expertise, les frais de participation d'autres autorités, les frais de port et de téléphone et d'autres frais analogues (art. 422 al. 2 CPP). Les débours sont fixés au prix facturé à la Confédération ou payé par elle (art. 9 RFPPF).
7.2 A teneur de l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné; font exception les frais afférents à la défense d'office. L'autorité pénale peut toutefois réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer (art. 425 CPP). Aussi, si la condamnation n'est que partielle, les frais ne doivent être mis à la charge du prévenu condamné que de manière proportionnelle, en considération des frais liés à l'instruction des infractions pour lesquelles un verdict de culpabilité a été prononcé (Fontana, Commentaire romand du Code de procédure pénale, 2e éd. 2019, no 1 ad art. 426 CPP). Les frais sont répartis en fonction des différents états de fait retenus, et non selon les infractions visées, ni selon les peines prononcées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 29.2 et 29.5). En cas d'acquittement partiel, l'autorité jouit d'une certaine marge d'appréciation dès lors qu'il est difficile de déterminer avec exactitude les frais qui relèvent de chaque fait imputable ou non au condamné (arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 29.2). La question des indemnités (art. 429 ss CPP) doit être tranchée après celle des frais de procédure (ATF 137 IV 352 consid. 4.4.2).
7.3 A. a été renvoyée en jugement par le MPC le 20 décembre 2022 pour répondre des chefs d'accusation d'infraction à l'art. 2 LAQEI et de représentation de la violence (art. 135 CP). Le MPC a arrêté les frais afférents à la procédure préliminaire à CHF 3'000.- (TPF 3.721.040 s.). Ce montant se compose exclusivement des émoluments perçus par le MPC et la PJF. Ces émoluments, conformes à l'art. 6 RFPPF, sont proportionnés aux opérations exécutées par le MPC. Quant aux frais de la procédure de première instance, ils sont arrêtés, au vu de l'ampleur limitée et de la difficulté moyenne de la cause, à CHF 1'500.-, étant précisé que la présente affaire n'a engendré pour la Cour aucun débours. Les frais de procédure s'élèvent ainsi à un montant de CHF 4'500.-.
7.4 L'accusation a porté vingt-deux chefs d'accusation contre A.; celle-ci a été reconnue coupable de la réalisation de quinze d'entre eux. Pour tenir compte de l'acquittement partiel de la prévenue, les frais sont ainsi mis à sa charge à hauteur de 7/10, soit un montant total de CHF 3'150.-, lequel est réduit à CHF 2'000.- par la Cour de céans pour tenir compte de la situation financière de la prévenue. Le solde des frais de procédure, soit CHF 2'500.-, est mis à la charge de la Confédération.
8. Indemnités
8.1 L'art. 135 al. 1 CPP règle l'indemnisation du défenseur d'office en renvoyant au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. Si cette règlementation prévoit un tarif réduit, celui-ci s'applique, sans égard à l'issue du procès (ATF 139 IV 261 consid. 2.2.1). Les art. 11 ss RFPPF règlent les indemnités allouées au défenseur d'office. Il peut être renvoyé à ces dispositions. Conformément à la pratique constante de la Cour des affaires pénales, le tarif horaire (hors TVA) pour les affaires de difficulté moyenne est de CHF 230.- pour les heures de travail, de CHF 200.- pour les heures de déplacement du défenseur et de CHF 100.- pour les heures effectuées par un avocat stagiaire (jugement de la Cour des affaires pénales SK.2017.38 du 23 novembre 2017 consid. 4.2 et la jurisprudence citée).
Dans la présente cause, il ne se justifie pas de s'écarter des taux horaires usuels appliqués par la Cour, l'affaire ne présentant de complexité particulière ni en fait, ni en droit.
8.2 Maître Nicole Schmutz Larequi a remis sa liste de frais lors des débats (TPF 3.721.042 ss). La Cour constate que les heures de déplacements facturées, à hauteur de 9 heures 26, sont justifiées. Quant aux heures de travail de la défense, les 17 heures facturées entre le 20 et le 22 mars 2023 pour l'étude du dossier et la préparation des débats sont réduites à 14 heures. Le total de 61 heures de travail auquel parvient ainsi la Cour apparaît justifié pour assurer la défense de la prévenue dans la présente cause. Les honoraires de Maître Nicole Schmutz Larequi s'élèvent ainsi à CHF 17'141.55 ([61 x 230] + [9.43 x 200] + {[61 x 230] + [9.43 x 200]} x 7.7%), auxquels s'ajoutent les débours facturés – intégralement admis, sous réserve que la TVA ne s'applique pas – pour un montant de CHF 1'004.60 (596.20 + 103.60 + 304.80). Partant, la Confédération suisse versera à Maître Nicole Schmutz Larequi une indemnité arrondie à CHF 18'200.-, TVA et débours compris.
8.3 A teneur de l'art. 135 al. 4 let. a CPP, lorsque le prévenu est condamné à supporter les frais de la procédure, il est tenu de rembourser à la Confédération, dès que sa situation financière le permet, les frais d'honoraires.
8.4 En l'occurrence, pour tenir compte de l'acquittement partiel de la prévenue, la Cour arrête à CHF 12'740.- (18'200 x 7/10) le montant que cette dernière devra rembourser à la Confédération pour les frais et honoraires de Maître Nicole Schmutz Larequi. La prévenue est également tenue de rembourser à Maître Nicole Schmutz Larequi la différence entre son indemnité en tant que défenseur désigné et les honoraires qu'elle aurait perçus comme défenseur privé (art. 135 al. 4 let. a et b CPP).
Le juge unique prononce:
I. A. est acquittée de:
- violation de l'art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées, pour les faits décrits aux chiffres suivants de l'acte d'accusation:
· 1.1.1.1;
· 1.1.1.4 et 1.1.2.2;
· 1.1.2.5;
· 1.1.4;
· 1.1.5.
- représentation de la violence (art. 135 al. 1 et 1bis CP), pour les faits décrits au chiffre 1.2.2 de l'acte d'accusation.
II. A. est reconnue coupable de:
- violation de l'art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» et les organisations apparentées, pour les faits décrits aux chiffres suivants de l'acte d'accusation:
· 1.1.1.2;
· 1.1.1.3 et 1.1.2.1;
· 1.1.1.5 et 1.1.2.3;
· 1.1.1.6, 1.1.2.4 et 1.1.3;
· 1.1.1.7;
· 1.1.6.
- représentation de la violence (art. 135 al. 1bis CP), pour les faits décrits aux chiffres suivants de l'acte d'accusation:
· 1.2.1;
· 1.2.3;
· 1.2.4;
· 1.2.5;
· 1.2.6.
III. A. est condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, à CHF 10.- le jour.
IV. A. est mise au bénéfice du sursis à l'exécution de la peine pécuniaire, avec un délai d'épreuve de deux ans.
V. Il est renoncé à prononcer l'expulsion pénale d'A.
VI. Les autorités du canton de Fribourg sont compétentes pour l'exécution de la peine.
VII. Les frais de procédure se chiffrent à CHF 4'500.- (procédure préliminaire: CHF 3'000.- [émoluments]; procédure de première instance: CHF 1'500.- [émoluments]). Ils sont mis à la charge d'A. à concurrence de CHF 2'000.- (art. 425 et 426 al. 1 CPP), le solde étant supporté par la Confédération.
VIII. La Confédération versera à Maître Nicole Schmutz Larequi, avocate, une indemnité de CHF 18'200.-, TVA et débours compris, pour la défense d'office d'A., sous déduction des acomptes déjà versés.
IX. A. est tenue de rembourser à la Confédération, dès que sa situation financière le permet, les frais d'honoraires de Maître Nicole Schmutz Larequi, à concurrence de CHF 12'740.-, et à Maître Nicole Schmutz Larequi la différence entre son indemnité en tant que défenseur désigné et les honoraires qu'elle aurait perçus comme défenseur privé (art. 135 al. 4 let. a et b CPP).
Au nom de la Cour des affaires pénales
du Tribunal pénal fédéral
Le juge unique La greffière
Distribution (acte judiciaire):
- Ministère public de la Confédération, Monsieur Kaspar Bünger, Procureur fédéral
- Maître Nicole Schmutz Larequi
Une copie du présent jugement est communiquée à (recommandé):
- Service de l'exécution des sanctions pénales et de la probation du canton de Fribourg (pour information)
- Service de renseignement de la Confédération (en application de l'art. 74 al. 7 LRens)
- Service de la population et des migrants du canton de Fribourg (en application de l'art. 82 al. 1 OASA)
L'entrée en force du jugement sera communiquée à:
- Ministère public de la Confédération, en tant qu'autorité d'exécution (avec une version complète du jugement)
- Service de renseignement de la Confédération (en application de l'art. 74 al. 7 LRens)
- Service de la population et des migrants du canton de Fribourg (en application de l'art. 82 al. 1 OASA)
Indication des voies de droit
Appel à la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral
La partie qui annonce l'appel adresse à la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral une déclaration d'appel écrite dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé. Dans sa déclaration, elle doit indiquer si elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement sur certaines parties, les modifications du jugement de première instance qu'elle demande et ses réquisitions de preuves. Quiconque attaque seulement certaines parties jugement est tenu d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel (art. 399 al. 3 et 4 CPP).
La juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement. L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits ainsi que pour inopportunité (art. 398 al. 2 et 3 CPP).
Recours à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral
Le défenseur d'office peut adresser un recours écrit et motivé dans un délai de 10 jours auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral contre la décision fixant l'indemnité (art. 135 al. 3 let. a et art. 396 al. 1 CPP; art. 37 LOAP).
Le recours peut être formé pour les motifs suivants: violation du droit, y compris, l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, constatation incomplète ou erronée des faits et inopportunité (art. 393 al. 2 CPP).
Observation des délais
Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Explications sur la portée et les conséquences du sursis (art. 44 al. 3 CP)
à l'attention d'A.
Le délai d'épreuve commence à courir dès la notification du jugement qui devient exécutoire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_522/2010 du 23 septembre 2010 consid. 3), en l'occurrence dès la réception du jugement écrit par la défense.
Si le condamné a subi la mise à l'épreuve avec succès, il n'exécute pas la peine prononcée avec sursis (art. 45 CP).
Si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Si la peine révoquée et la nouvelle peine sont du même genre, il fixe une peine d'ensemble en appliquant par analogie l'art. 49 CP (art. 46 al. 1 CP). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (art. 46 al. 2 CP).
Expédition: 17 mai 2023
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
Hier geht es zurück zur Suchmaschine.